[BDPalabres] LES 4 SCÉNARIOS POSSIBLES DU GABON D’APRÈS BONGO.

Sylvain Ndong sylvain.ndong at gmail.com
Lun 8 Juin 07:41:41 EDT 2009


LES 4 SCÉNARIOS POSSIBLES DU GABON D’APRÈS BONGO
(Ces scénarios sont tirés d’une étude menée en juin 1996 par le Pr Albert
ONDO OSSA, Marc-Louis ROPIVIA et Moïse NSOLE BITEGHE. Certaines données ont
simplement été actualisées par mes soins selon le contexte actuel. Les
auteurs voudront bien me permettre cette liberté. Sylvain Ndong)

 

Les scénarios sont tous conçus selon le schéma suivant :

 

·         Ils sont baptisés du nom d'un animal inspiré par la culture
gabonaise ;

·         Ils procèdent de combinaisons des trois (3) incertitudes critiques
et reposent sur de nombreuses hypothèses ;

·         Les impacts croisés de ces différentes hypothèses conduisent à une
image du Gabon en 2025 dont le message est livré à la fin de chaque
scénario.

 

Les dénominations des quatre scénarios retenus sont :

 

"Les requins" : un scénario de dureté ;

"La panthère" : un scénario de défi ;

"Le chien errant" : un scénario redoutable et redouté ;

"L'écureuil" : un scénario optimiste, mais réaliste. C'est le scénario
désirable et désiré.

 

SCÉNARIO 1 : "LES REQUINS"

 

JEU D'HYPOTHESES

 

Le scénario "les requins" repose sur les hypothèses de départ suivantes :

 

1.    Un environnement international favorable, en termes de hausse des
quantités plutôt qu'en termes de hausse de prix d'achat (cela est vrai pour
le bois, le manganèse et l'uranium), en termes d'accroissement de l'aide
publique au développement et de réduction de la dette des pays à revenus
intermédiaires ;

2.    Une activité pétrolière favorable, grâce à la découverte de nouveaux
gisements au large de Mayumba ;

3.    Un processus démocratique qui évolue si mal qu'il se trouve bloqué.

 

A ces hypothèses de base, s'ajoutent plusieurs autres (intermédiaires) liées
au comportement de l'environnement international et à l'évolution du
processus démocratique.

 

L'environnement international est caractérisé par une tension très forte
entre les pays du Golfe. Les guerres localisées dans cette région conduisent
les grands consommateurs de pétrole à s'en détourner durablement au profit
des pays africains tels que le Gabon.

 

Le Gabon subit par ailleurs une deuxième dévaluation de la monnaie commune
des Etats africains qui intervient entre fin 2009 et 2016. Mais ces
différents réajustements monétaires donnent un regain de compétitivité aux
produits d'exportation comme le bois et les minerais. Le pétrole, dont le
prix de référence est toujours libellé en dollar, fournit au cours de cette
période des revenus substantiels aux compagnies pétrolières et à l'Etat.

 

Quant au processus démocratique, il se caractérise d'abord par une double
cohabitation chaotique. La première intervient juste après les élections
présidentielles anticipées de 2009 qui font suite à la vacance du pouvoir et
la seconde à la suite des législatives de 2016.

 

Un autre trait essentiel de la vie politique du Gabon, au cours de cette
période, est la prise de pouvoir par les militaires, effrayés par l'idée
d'une nouvelle cohabitation qui risque de remettre en cause leurs
privilèges. Ce régime militaire s'installe de manière pernicieuse en
bénéficiant, à l'intérieur, d'un soutien actif des classes les plus aisées
et à l'extérieur, de celui de l'Occident dont il préserve les intérêts.

 

LE GABON : UNE DICTATURE MILITAIRE A L'HORIZON 2012

 

Les impacts croisés de toutes ces hypothèses font que le Gabon de l'an 2012
apparaît comme un Etat policier. Devenus maîtres des lieux à la faveur d'un
coup d'Etat, les hommes en armes, confisquent le pouvoir. Comme des requins
affamés, ils se servent les premiers dans la répartition des postes comme
dans le partage des richesses nationales et réduisent au silence toute forme
d'opposition.

 

Les frustrations de tout genre font donc naître des sentiments de révolte au
sein d'une frange importante de la population qui conteste ouvertement le
rôle des multinationales et les rapports de coopération avec la France.

 

Le verrouillage du système politique débouche inéluctablement sur des
incarcérations et sur un régime de terreur. La chasse aux "sorcières" se
déroule sur fond de tribalisme, d'exclusion et de règlement de comptes.

 

CONCLUSION DU SCÉNARIO 1

Le comportement de prédateur reconnu à la classe dirigeante perpétue
l'économie de rente avec en prime une croissance sans développement.
L'exacerbation des inégalités est telle que le crash social inéluctable sert
de prétexte à une dictature militaire qui s'empare du pouvoir à la faveur
d'un coup d'Etat et entend y demeurer avec le soutien des compagnies
pétrolières et de la communauté internationale.

 

 

SCÉNARIO 2 : "LA PANTHERE"

 

JEU D'HYPOTHESES

 

Le scénario "la panthère" repose sur trois hypothèses de départ :

 

1.    Un environnement international défavorable, en termes de réduction
drastique de l'aide au développement, de chute des prix des matières
premières et d'un protectionnisme exacerbé ;

2.    Un pétrole favorable, en termes de hausse des quotas de production ;

3.    Un processus démocratique qui fonctionne mal et qui ne permet aucune
alternance.

 

Les hypothèses secondaires reposent sur la mise en œuvre d'un plan national
d'action de l'environnement, la découverte de nombreux gisements pétroliers,
l'expulsion des expatriés.

 

Le plan national d'action pour l'environnement, préparé entre 1995 et 1997
pour une période de 20-25 ans, conduit à l'interdiction de l'exploitation
des gisements off shore dans la région de Mayumba. Cette région est déclarée
zone de tourisme international et bénéficie de ce fait d'une protection de
la part des ONG internationales.

 

La découverte dans la zone protégée de trois nouveaux gisements de pétrole
de très bonne qualité dont l'exploitation ne nécessite pas des moyens lourds
et coûteux, fait perdre la tête au Gabon. Le gouvernement, appuyé par les
compagnies pétrolières, décide de procéder malgré l'interdiction à
l'exploitation de ces nouveaux gisements. Ce qui provoque la colère des
organisations écologistes nationales et internationales, l'ire des
institutions internationales et des intellectuels gabonais. Il s'ensuit une
répression d'une violence inouïe.

 

LE GABON A L'HORIZON 2012 : UN PAYS SEUL CONTRE TOUS

 

Toutes ces hypothèses conduisent à l'isolement du Gabon en l'an 2012. C'est
un pays banni par la Communauté internationale, acculé dans ses
retranchements, où règne la loi de la jungle.

 

Le Gabon devient alors un Etat peu fréquentable (à cause de ses pratiques
anti-démocratiques, de la mauvaise gestion et de la cupidité de ses
dirigeants). La panthère poursuit son œuvre destructrice.

 

CONCLUSION DU SCÉNARIO 2

C'est la leçon de l'entêtement et de l'arrogance d'un pays qui, en 2012, se
retrouve seul contre tous. Dirigé par un pouvoir obstiné et soutenu par les
compagnies pétrolières, il défie aussi bien la communauté internationale que
les forces internes. Mais c'est un pays isolé et banni.

 

 

SCÉNARIO 3 : "LE CHIEN ERRANT"

 

JEU D'HYPOTHESES

 

Un processus démocratique bloqué, un pétrole défavorable et un environnement
international hostile sont les trois hypothèses initiales qui ne peuvent
qu'engager le pays tout entier dans l'impasse.

 

A ces hypothèses de départ, s'ajoute une série d'événements fâcheux, voire
apocalyptiques. En effet, tous les indicateurs de l'environnement
international sont au rouge : baisse continuelle du prix et de la demande
des matières premières, développement fulgurant des énergies nouvelles et
des produits de substitution.

 

Par ailleurs, le troisième ajustement monétaire, intervenu moins de dix ans
après celui de 1994, n'a pas permis d'améliorer la compétitivité et de
relancer les exportations.

 

Sur le plan politique, bien que le Gabon se soit engagé dans le processus de
démocratisation depuis la Conférence Nationale de 1990, ce processus se
trouve bloqué.

 

LE GABON, UN PAYS DE DESOLATION A L'HORIZON 2012

 

Le Gabon bascule même dans une guerre civile à la rwandaise. Et la
communauté internationale, davantage préoccupée par la mondialisation de
l'économie en ce début du 21ème siècle, donne l'impression d'être lassée par
ces guerres absurdes qui n'ont que trop duré. Elle abandonne ainsi le Gabon
à son sort, car, comme un chien errant, ce pays est devenu trop encombrant,
parce que peu crédible, peu rentable par rapport à ses voisins.

 

Les Gabonais tentent de trouver refuge à l'Etranger. Mais ils sont refoulés
aux frontières et sont condamnés à errer, alors que le gouvernement réussit
à s'exiler. Le pays se retrouve alors sans maître, tel un chien errant.

 

CONCLUSION DU SCÉNARIO 3

Ce scénario triste et pessimiste s'inspire du syndrome rwandais ressenti ici
comme une éventualité dont la probabilité est très forte. La mauvaise
gestion, l'absence de démocratie, l'intégrisme tribal et autres formes de
fanatisme, plus que les tendances internationales défavorables sont
préjudiciables à la paix et au développement.

 

 

SCÉNARIO 4 : "L'ÉCUREUIL"

 

JEU D'HYPOTHESES

 

Les trois hypothèses de départ sont les suivantes :

 

1.    Un environnement international exceptionnellement favorable grâce à
l'accroissement de l'aide aux pays en développement, à l'effort
d'optimisation de la coopération Nord-Sud et à un marché des matières
premières particulièrement rémunérateur ;

2.    Un secteur pétrolier performant, à la faveur d'une bonne tenue du
dollar sur le marché des changes et d'une augmentation significative du prix
du baril ;

3.    Une maîtrise du processus démocratique fondée sur l'alternance
politique et la participation effective des populations à la vie publique.

 

Des hypothèses intermédiaires sur le processus démocratique, la gestion de
l'économie, le secteur pétrolier et l'environnement international vont être
déterminantes.

 

1.    La première porte sur l'application intégrale des Accords de Paris,
conclus en 1994 par l'opposition et la majorité.

2.    La seconde hypothèse intermédiaire est la découverte au large de
Cocobeach de trois gisements de pétrole de très bonne qualité et dont
l'exploitation défie les coûts internationaux.

3.    La troisième hypothèse se rapporte à la réorganisation du pays dans
tous les domaines.

 

LE GABON, UN PAYS INDUSTRIEUX QUALIFIE DE SUISSE D'AFRIQUE

 

Au sein d'une administration naguère gangrenée par la corruption et
l'incompétence, une nouvelle politique basée sur le mérite fait son
apparition.

 

L'accès aux postes de haute responsabilité dans l'administration publique,
comme dans les entreprises publiques et parapubliques, est désormais
subordonné à des concours très sélectifs. Le résultat de cette nouvelle
politique ne se fait pas attendre. On note une amélioration sensible du
rendement du service public.

 

On observe également un accroissement de l'efficacité et de la compétitivité
des entreprises publiques et parapubliques. Le nouveau gouvernement, qui
accède démocratiquement au pouvoir en 2012 (ou 2009, selon), instaure une
gestion démocratique du pouvoir basée sur le dialogue permanent avec le pays
réel. Il en résulte une décentralisation à tous les niveaux. Les populations
sont consultées aussi souvent que possible sur toutes les questions majeures
qui se posent au sein de l'Etat comme à l'intérieur des collectivités
locales.

 

Ce qui a pour effet de libérer les intelligences et de favoriser la
multiplication des initiatives individuelles et collectives. Les Gabonais se
sentent enfin valorisés et responsabilisés. Les collectivités locales sont
dotées de moyens à la mesure de leurs nouvelles responsabilités. Les maires
nouvellement élus engagent leur honneur et leur carrière politique dans la
gestion rigoureuse et efficace des moyens mis à leur disposition, d'autant
plus que la Cour des Comptes et les juridictions gabonaises, en général, se
montrent impitoyables dans tous les procès impliquant les élus du peuple.

 

Avec l'assainissement de la vie publique et de la situation économique,
auquel s'ajoutent les effets bénéfiques des booms pétroliers, le Gabon
parvient à réaliser des progrès spectaculaires dans de nombreux domaines.
Outre la construction d'un satellite de communication, le Gabon atteint,
grâce à un développement extraordinaire des secteurs de pointe
(informatique, télématique, robotique, etc.), un niveau comparable à celui
des "dragons" de l'Asie du sud-est.

 

CONCLUSION DU SCÉNARIO 4

 

Le Gabon, pays sous-peuplé et aux potentialités économiques immenses, sort
de son état de sous-développement et intègre le monde des pays industriels,
grâce à une exploitation optimale de ses avantages comparatifs. Ce scénario
montre en effet que la double transition vers la démocratie et vers une
économie réellement productive peut se faire de manière méthodique : une
sorte de révolution silencieuse, respectueuse à la fois des valeurs
africaines et universelles.

 

Sylvain NDONG
http://sndong.free.fr

 

 

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