[BDPalabres] Grégory Ngbwa Mintsa: “Descartes légalise Bruno Ben”

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Mar 14 Avr 18:38:32 EDT 2009


Grégory Ngbwa Mintsa: “Descartes légalise Bruno Ben”

Source: BDP, 13 avril 2009
Par Grégory Ngbwa Mintsa

«Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée». Je me suis toujours dit que Descartes, ayant fait abstraction de tout l’obscurantisme en vigueur autour de son poêle, a du disjoncter ferme en écrivant cela. En plus, il réfugiait son dégammage sous le prétexte de rechercher la Vérité. Lorsque j’ai lu Le discours pour la première fois, je me suis dit que, décidément, les Blancs sont fous. Mais, en observant l’actualité gabonaise récente, je me rends compte que, finalement, Descartes n’était pas aussi allumé qu’il y paraissait.

Peu avant le deuil national, la RTG, chaîne publique de propagande radio et télé, est entrée en grève. C’est plutôt surprenant, lorsqu’on sait avec quelle autocensure zélée les journalistes et les animateurs de la RTG1 anamorphosent le paysage audiovisuel gabonais avec un palimpseste quadragénaire de paradigmes bongolâtres. Mais la surprise n’est pas là. Comme le veut la loi, les grévistes ont prévu un service minimum. Le plus pétrifiant est cette voix atterrée et consternante qui annonçait, toutes les demi-heures: «notre service minimum sera un flash d’informations de cinq à quinze minutes qui couvrira uniquement les activités du président de la République, celles du premier ministre et celles des deux chambres du Parlement» Contre qui, alors, s’appliquent ces sévices minimums? Tous les décideurs qui la prolétarisent et la tiennent en laisse étant couverts, le bon sens est obligé de conclure que la RTG s’est mise en grève pour faire pression et protester contre… les auditeurs et les téléspectateurs.

Depuis l’année dernière, les tensions sociales fusent de toutes parts: Education nationale, Fonction publique, Santé publique, Sécurité sociale, universités (UOB et USTM), militaires retraités, médias publics… Si le gouvernement tenait véritablement à la paix sociale et au bien-vivre des Gabonais, le bon sens voudrait qu’il apporte les bonnes réponses aux problèmes des compatriotes. En 2003, l’élite, jamais avare de son génie, a appliqué une idée d’une logique effarante, qui fait encore rire le reste du monde: la trêve sociale. Pour la première fois, dans l’histoire de l’Humanité, dans «un sursaut patriotique» et sous prétexte de mauvaise conjoncture économique, toutes les associations et tous les syndicats se sont engagés à cesser, pendant trois ans, de défendre les intérêts de ceux qui, justement, cotisent pour. Ça peut paraître désopilant, à première oreille, mais ce n’est que bon sens: le meilleur moyen d’en finir avec les revendications sociales est de demander aux revendicateurs de ne plus rien revendiquer. Sauf qu’au terme des trois ans, les problèmes mis en hibernation se sont réveillés pour faire des petits. Les politologues pourraient appeler ça le printemps de Libreville.

Toutefois, cette recette a fait ses preuves. La trêve sociale fait désormais partie de la culture des Gabonais, notre bon peuple qui, c’est bien connu, champion du monde du «respect de l’autorité de l’Etat», est «épris de paix». La semaine dernière, à partir de cabinets ministériels ou autres, on a remis ça: «les revendications sont légitimes, mais, compte tenu du contexte, à savoir la crise financière mondiale et le deuil qui frappe la nation tout entière, il est nécessaire de faire un effort à l’endroit du chef de l’Etat, en observant une période d’accalmie de trente mois». L’intelligent est que cette initiative associe, à la majorité, des syndicats qui ne sont pas en grève et qui ont, pour la plupart, déjà signé, moyennant la «motivation» sonnante et trébuchante habituelle.

On peut faire remarquer, tout d’abord, que le mode de gouvernance appliqué dans notre pays donne lieu à une «période difficile» permanente. Autant, donc, demander aux syndicats de s’auto-dissoudre et pénaliser toute forme de revendication. On pourrait, par exemple, inscrire dans la Constitution qu’une revendication ou une dissidence sous-tend, de fait, une volonté de «déstabiliser l’Etat». Au moins, La paranoïa répressive actuelle y gagnerait-elle un contour légal.

Ensuite, on relève que, paradoxalement, à moins que ceci explique cela, les «périodes difficiles» n’ont, à aucun moment, ralenti l’accumulation des biens mal acquis. Au contraire. En fait, on demande aux Gabonais de «faire des efforts», on appelle, une fois de plus, à un «sursaut patriotique», pour éviter une inflation des plus hauts revenus de l’Etat. Pas question, non plus, de réduire le taux de croissance des biens mal acquis.

Enfin, en mettant en avant la permanence de l’Etat, est-il déplacé d’estimer que les aspirations des Gabonais ne s’adressent pas à M. Omar Bongo Ondimba dont on comprend bien la douleur, mais à l’Etat?

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