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Jeu 20 Nov 15:43:46 EST 2008


 
Les pays pauvres éternelles victimes de la crise, par Jean Merckaert
LE MONDE | 18.11.08 | 13h36

Depuis trente ans, les pays pauvres subissent de plein fouet les conséquences d'une course au profit effrénée qui a fait perdre la tête à la finance mondiale. A l'heure de refonder le système financier international, ils ne sont même pas conviés à la table des négociations.

La chronique du drame est éclairante. Acte I, l'endettement. Dans les années 1970, à la recherche de débouchés pour leurs liquidités, les banquiers occidentaux endettent massivement les pays du Sud à des taux (flottants) défiant toute concurrence. Les Etats leur emboîtent le pas, en faisant crédit à des dictatures féroces comme aux Philippines, au Congo (ex-Zaïre) ou en Argentine, en échange de leur allégeance au bloc de l'Ouest. Acte II, crise de la dette. En cause, au-delà des motifs géopolitiques : la remontée en flèche des taux d'intérêt, suite à une décision du Trésor américain, et la dégringolade des revenus d'exportation avec la chute des prix agricoles. Acte III, l'ajustement structurel. A partir des années 1980, les grands argentiers du G7 exigent des pays pauvres qu'ils sacrifient les dépenses de santé, d'éducation ou d'emploi pour rembourser la dette.
 

Le Fonds monétaire international (FMI), désoeuvré après la sortie du système de change fixe, est chargé d'imposer privatisations bradées, libéralisations commerciale et financière et retrait de l'Etat. Pour le plus grand profit des investisseurs étrangers. L'ouverture des marchés met en péril les cultures vivrières, première source de revenus de la population rurale, et tue dans l'oeuf les industries naissantes. Une minorité s'accapare les rentes minière et pétrolière. Les bénéfices colossaux réalisés au Sud fuient vers les places offshore.

Au total, les pays en développement consacrent encore chaque année 456 milliards de dollars (360 milliards d'euros) à rembourser leur dette. La fraude fiscale leur coûte 300 à 500 milliards de dollars par an. En face, les quelque 100 milliards de dollars annuels d'aide au développement et les maigres allégements de dette consentis depuis dix ans (88 milliards de dollars) font office de caution à cette ponction massive des richesses du Sud. Mille fois, nous avons demandé au G8 que la finance mondiale soit mieux régulée et mieux partagée. Mille fois, nous nous sommes heurtés à un mur.

Voilà que la folie de la finance mondialisée menace nos Bourses et nos emplois, et nos gouvernements s'empressent de convoquer, à huis clos, les vingt pays les plus puissants au chevet du capitalisme pour le préserver sans le remettre en question. Les pays pauvres, "ceux qui souffriront le plus de la crise (et) qui en sont le moins responsables", selon le mot du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, attendront.

ZONES DE NON-DROIT
Comme nous, l'objectif affiché de l'Union européenne pour ce sommet à Washington doit les laisser pantois. Comment l'UE peut-elle en effet vouloir confier, sans contrepartie, le rôle de gendarme financier de la planète à une institution, le FMI, qui a laissé exsangues les pays endettés, et oublié sa mission première, la stabilité financière internationale. Malgré son siège dans la capitale des Etats-Unis, le FMI s'est avéré incapable d'anticiper la crise des subprimes - et la faillite islandaise. Laissant prospérer des zones de non-droit, les paradis fiscaux, et mondialisant cette finance dérégulée, il a créé les conditions d'une crise globale. Ce n'est pas sa gestion calamiteuse des crises en Argentine, en Russie et dans le Sud-Est asiatique, au tournant du siècle, qui redorera son blason.

Le FMI est malade. Malade du dogme néolibéral auquel ont été formés 99 % de ses économistes. Malade de la suspicion que suscite son pedigree dans la plupart des pays du Sud. Malade aussi de la mainmise en son sein des pays du G8, que le FMI a renoncé à contrôler, en particulier les Etats-Unis qui disposent d'un droit de veto à son conseil d'administration.

Aussi louable soit-elle, l'ambition européenne d'une reprise en main multilatérale de la finance mondiale restera vaine, si le chantier est confié à une telle institution. A moins d'un traitement de choc. La crise ne trouvera d'issue durable que si la nouvelle régulation internationale est à la fois plus efficace, au service d'une répartition plus juste des richesses, et plus légitime, en associant étroitement les pays pauvres. Bien plus que le G20, le sommet des Nations unies sur le financement du développement, qui se tient à Doha à la fin du mois, est l'occasion rêvée d'entreprendre ce chantier exigeant.

 

 

L'oeil qui voit tout...seul Dieu est notre limite






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