[BDPalabres] La presse mondiale fête l'Amérique d'Obama

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Mar 18 Nov 11:58:17 EST 2008


La presse mondiale fête l'Amérique d'Obama

[ 07/11/08  ]

George W. Bush est toujours le locataire de la Maison-Blanche. Mais la presse dans sa grande majorité n'a pas attendu son départ, le 20 janvier 2009, pour espérer une grande réconciliation entre l'Amérique et le monde. Le « soft power » américain est de retour. Du moins jusqu'à un certain point, car de nombreux journaux rappellent, avant tout, les défis qui attendent le prochain président.

Mais l'élection du 4 novembre d'un Afro-Américain comme 44e président des Etats-Unis a néanmoins suscité un immense espoir d'« une Amérique nouvelle », de l'arrivée d'« un guérisseur mondial », selon l'« Hindustan Times », d'une « perestroïka yankee » pour le journal libanais « L'Orient Le Jour », d'un monde « à l'aube d'une nouvelle ère », selon l'israélien « Haaretz ». De son côté, « Granma », l'organe du Parti communiste cubain, tire de l'événement un enseignement nettement plus limité, mais très concret. Pour lui, l'élection américaine a surtout « enterré l'hégémonie de la mafia cubaine de Miami sur l'Etat de Floride ».

Mais, là où l'Amérique de George Bush n'a pas pu imposer la démocratie par les armes, celle de Barack Obama l'a exportée par le résultat du scrutin. « En donnant une victoire écrasante au premier président afro-américain de son histoire, l'Amérique est déjà un pays différent », écrit l'éditorialiste du « Times of India ». Ce qui fascine pour sa part « The Hindustan Times », c'est qu'élire un Barack Obama, c'est comme élire un Musulman Premier ministre en Inde. Et le message d'espoir des élections américaines pour cette puissance émergente est clair : « La démocratie indienne devenant plus adulte, cette possibilité n'est plus une bizarrerie. »

Le ton est bien différent dans l'autre grande puissance montante du XXIe siècle, la Chine, où la leçon de la démocratie américaine n'est pas au centre des préoccupations. Loin de là. Le « China Daily », un quotidien en langue anglaise contrôlé par l'Etat, rappelle la nécessité de poursuivre « le dialogue stratégique et les négociations commerciales et économiques à très haut niveau » entre les deux pays. En utilisant la meilleure dialectique chinoise pour adresser sa menace au président américain élu, le quotidien chinois rappelle que « plus de 1,3 milliard de Chinois en Chine et dans le monde espèrent que le président Obama continuera à jour un rôle constructif pour faciliter le dialogue de plus en plus amical entre la Chine continentale et l'île de Taiwan ». Le journal officiel, « Beijing News » redoute même que « sur la question de la sécurité alimentaire l'attitude d'Obama envers la Chine soit plus intransigeante que celle de l'administration Bush », même s'il estime que, fondamentalement, les choses ne changeront pas beaucoup. Pourtant, ce que redoute avant tout la presse japonaise, c'est justement une Amérique qui s'appuie davantage sur la Chine pour mener sa politique en Asie, comme le souligne le « Yomiuri ». L'autre souci du quotidien économique « Nikkei », c'est une Amérique plus protectionniste avec les démocrates à la Maison-Blanche et majoritaires dans les deux chambres du Congrès.

Car, au-delà de l'obamania, phénomène global, la dure réalité du monde reprend tous ses droits. Au lendemain du discours menaçant du président Dimitri Medvedev, les journaux russes sont avares de commentaires. Dans un parfum de guerre froide, le journal « Izvestia », proche du pouvoir, rend simplement hommage « au rôle actif des forces de progrès d'Amérique, et avant tout ses jeunes, son élite intellectuelle, indépendamment de la couleur de la peau ».

Le concurrent « Kommersant », très factuel avec un papier de son envoyé spécial à Chicago sous le titre « They just did it » (ils l'ont fait), préfère doucher les espoirs du monde. « L'expérience internationale d'Obama n'est pas si grande », note-t-il.

Pourtant, au Proche et Moyen-Orient, c'est une fragile lueur d'espoir d'une meilleure relation qui l'emporte dans la presse, même en Iran. « Le monde a poussé un soupir collectif de soulagement parce que son candidat a gagné les élections présidentielles américaines », écrit « The Teheran Times ». Et pourquoi, s'interroge le journal iranien, est-il le « candidat du monde » ? Parce que, simplement, il a le sentiment que l'on pourra parler avec lui. « Après les années d'arrogance, d'intolérance, d'unilatéralisme de l'administration Bush, c'est une bouffée d'air frais. » En Irak, on est plus prudent. Le « Badr » chiite relève que « les Etats-Unis ne sont pas Djibouti ou la Somalie » et qu'ils « ne changent pas de stratégie dès qu'ils changent de président ». De nombreux journaux à Bagdad estiment d'ailleurs que Barack Obama ne mettra pas en cause les récents progrès réalisés sur le front de la sécurité en procédant à un départ précipité des troupes américaines.

Mais il y a l'autre grand conflit du Proche-Orient entre Israéliens et Palestiniens, où nombre d'acteurs ont reproché à l'administration Bush de ne pas s'être engagée suffisamment dans le processus de paix.

« Mazal tov » (félicitations), écrit le « Jerusalem Post », qui rappelle que plus des trois quarts des Juifs américains ont voté pour Obama, 53 % des catholiques, mais 45 % des protestants. Entre les lignes, le journal israélien rappelle néanmoins au président élu que la relation américano-israélienne « est supérieure à tout esprit de parti » et que la nouvelle administration découvrira bientôt que « personne plus qu'Israël ne veut la paix ».

Petite lueur d'espoir, juste avant le scrutin du 4 novembre, le « Palestine Chronicle », publié aux Etats-Unis, rappelait que la communauté arabo-américaine (environ 3,5 millions de personnes) s'était majoritairement déclarée en faveur de Barack Obama. Le changement est très net chez les électeurs américains musulmans, favorables à Bush en 2000, mais qui ont apporté leur soutien au candidat démocrate cette année, d'après ce média.

En Europe, si tous les journaux se félicitent de l'élection de Barack Obama, l'heure est déjà aux interrogations. D'après la « Frankfurter Allgemeine Zeitung », Obama est encore pour beaucoup « une feuille vierge ». « Nous ne savons pas ce qu'il veut vraiment », commentait « Die Welt ». « Comment va-t-il se décider », questionnait la « Süddeutsche Zeitung ». Pour « un retrait rapide ou lent d'Irak ? Des pourparlers directs avec l'Iran ou des jeux de déclarations tactiques ? » Pour le quotidien italien « Il Sole 24 Ore », la dure réalité prend déjà le pas sur l'idéalisme. Sa priorité sera « les aides à l'industrie américaine », écrit-il. L'essentiel, comme l'avait dit il y a quelques jours le journal anglais « The Guardian », c'est que la bulle Obama ne se gonfle pas trop. « Sinon, comme en Bourse, le crash de l'action Obama fera très mal ». La presse internationale s'est déjà chargée de le lui rappeler.
JACQUES HUBERT-RODIER est éditorialiste aux « Echos » à Paris, INGRID FRANÇOIS est correspondante à Francfort et MICHEL DE GRANDI est correspondant à Tokyo.
 

 

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