Le Gabon appartient à la zone démographique la moins importante du continent africain. Plusieurs interrogations peuvent être soulevées quant à la faiblesse de la population et à son rythme de croissance. Pour l'heure nous nous intéressons exclusivement aux résultats du dernier recensement dont le chiffre assez spectaculaire vient balayer toutes les estimations scientifiques qui ont cours à travers le monde.
Mêmes les projections démographiques établies à partir de toutes les opérations précédentes s'avèrent totalement dépassées. Dans le cas gabonais, les 1 520 911 habitants annoncés par le conseil des ministres du Jeudi 17/3 donne l'impression d'un véritable baby boom qui se serait produit au cours de la décennie écoulée.
Qu'est ce qui peut justifier un tel accroissement démographique, lorsque l'on sait que le coût de la vie n'a pas baissé dans notre pays pour inciter les Gabonais à se multiplier sans l'aide de l'Etat ? Les chiffres avancés ont-ils entérinés les résultas réels du recensement, ou faut-il voir autre chose, à l'approche des élections présidentiels ? Mais dans quel intérêt ? Les pouvoirs publics ont souvent pris le pas sur les techniciens en décrétant les chiffres de la population en lieu et place de ceux rendus par les verdicts des dénombrements.
En 1960 déjà, le Président Léon MBA, écœuré par la modestie des résultats obtenus avait préféré fixer la population par décret plutôt que s'en tenir au travail des scientifiques. Par cet acte, les chiffres présidentiels majoraient de 42% les effectifs généraux, pour les porter à 444 246 habitants.
Le recensement de 1970 connut lui aussi la même réalité. Au lieu de 508 063 habitants, la population gabonaise fut portée à 950 009 âmes. Ce fut d'ailleurs au cours des délibérations des conseils de ministres que les résultats furent rendus publics, en ces termes : « Le conseil des ministres qui s’est réuni hier, mercredi sous la présidence du Chef de l'Etat, son Excellence Albert-Bernard BONGO, s'est penché presque exclusivement sur le recensement dont les résultats témoignent d'un important bond de la population qui s'élève maintenant à 950 009 habitants » (Cf. R. Pourtier. Le Gabon. Tl).
C'est le même procédé qui a été employé le 17/03. Deux autres communiqués fixaient la population gabonaise à 1 120 000 habitants en 1980 et à 1 200 000 autour de 1990. Seuls les résultats du recensement de 1993 qui arrêtaient la population à 1 014 976 habitants, avaient été rendus public par le ministre du Plan, lors d’une conférence de presse, avant d'être intégralement publiés en l'état.
En rapprochant les résultats de ce recensement des chiffres gouvernementaux des dix années plus tôt, on s'aperçoit que la population a régressé de plus de 10%. Cette situation parait anormale dans le cas d'un Etat qui n’a pas connu d'événements malheureux susceptibles de décimer une part aussi importante de sa population.
Elle est passée de 500 000 à l'indépendance à plus de 1 500 000 habitants en 2003. Sur une période aussi longue, cette évolution peut s'expliquer à travers les efforts non négligeables déployés par les pouvoirs publics peur réduire la mortalité et agir sur bien d'autres facteurs tenant au milieu et à l’homme.
L’amélioration des conditions de vie et de travail est également responsable de cette évolution. Tout comme le traitement de la stérilité. Sur ce dernier point, les statistiques obtenues en 1993 attestaient que le Gabon demeurait encore une zone « d'hypo fécondité ».
Dix ans plus tard, les 1 520 000 habitants recensés en 2003 démontreraient-ils une amélioration conséquente de la fécondité dans toutes ses composantes ? La peur du Sida n'a-t-elle pas favorisé le port du préservatif, dont l'usage aurait produit un effet démographique contraire à celui qui nous est présenté ici ? Par contre, cette croissance pourrait amplement s'expliquer à travers de forts mouvements migratoires qui viendraient appuyer le solde naturel.
Dans ce cas, ils auraient alors joué le rôle le plus important dans cette explosion démographique soudaine. Ce qui pourrait en partie expliquer le climat d'insécurité qui prévaut dans notre pays depuis quelques années. Sur la base des hypothèses tendancielles, la population gabonaise serait en avance de dix ans par rapport aux estimations faites à partir du recensement de 1993.
Les raisons de ce baby boom artificiel sont peut être ailleurs. En effet, le recensement s'est déroulé officiellement du 1er au 31/12/03. Pour quoi aura-t-on fallu attendre 14 mois pour avoir un chiffre provisoire ? Alors qu'en 1993, l'attente avait durée moins de 3 mois.
Comment expliquer la convocation des états généraux de la santé après un accroissement démographique aussi important ? Quel a été fondamentalement l'action de la Cour constitutionnelle dans cette opération ? A ce stade, maîtriserait-elle mieux que les statisticiens du Plan, les techniques de recensement ?
Il n'empêche qu'à huit mois d'un enjeu capital, ce chiffre est sujet à polémique. Sans désarmer, « Le Nganga » attend avec impatience que soient rendu public, comme en 1993, les détails du recensement 2003.