(Libreville, 24 juillet 2002 - L'Union) - Dans un entretien exclusif accordé à notre Rédaction hier, le président du Parti de l'unité du peuple (PUP) estime que le forum se tiendra certainement sur un ordre du jour précis défini par le président Bongo, l'initiateur du projet. II se dit prêt à évoquer des sujets relatifs à l'organisation des élections, à la liste électorale, à des questions économiques, etc.
M. le président, des sources concordantes disent que l'organisation du forum regroupant la classe politique gabonaise est proche, peut-on savoir quelle est la position du Parti de l'unité du peuple (PUP) ?
J'ai déjà dit que s'il n'y a qu'une seule formation politique présente à ce forum, ce sera bien le PUP. Des membres de mon parti ont également pris position publiquement pour le forum. Mais il faudrait que les choses soient centrées, qu'on sache de quoi il s'agit. Par définition, un forum c'est une réunion dont le contenu est connu par avance. Lorsque nous sommes allés aux élections législatives, j'avais déjà mesuré l'étendue des dégâts. Et j'avais d'ailleurs donné une conférence de presse où j'ai dit que nous allions droit au mur. Parce que ces élections sont non seulement mal préparées, mais les gens désignés pour les administrer n'ont pas le métier, l'abnégation et la volonté de faire en sorte qu'elles se passent bien. A partir de là, des petits aménagements ont été farts. Les résultats sont là : 80% d'abstentions, 6 tours, etc.
On a organisé des élections quand j'étais ministre de l'Intérieur. Ces élections ont donné une majorité qualifiée au PDG et des représentants conséquents à l'o position. Cela a été une meilleure législature. Ce qui veut dire que les gouverneurs et les préfets, quand on leur fait confiance, savent faire leur travail. Par un jeu de suspicion sur eux, on a dit qu'il faut aller chercher les magistrats pour qu'ils soient impartiaux... nous avons la preuve que ce n'est pas le cas. Résultat, on a connu, n'ayons pas peur des mots, une législature médiocre qui vient d'arriver là.
Au sortir des élections le président de la République a dit que cela ne peut pas continuer. D'abord parce que les élections ont été mal organisées, ensuite parce qu'il y a trop de partis politiques. C'est ainsi qu'il demande l'organisation d'une rencontre de la classe politique.
Mais que comptez-vous proposer à ces assises ?
Je pense que celui qui convoque le forum étant le garant des institutions, il va certainement donner un ordre du jour, un contenu autour duquel il faudrait que l'on débatte. Pour notre part, il s'agit pour nous de soulever des questions de fond. Notamment ce problème des partis politiques. Ne peuvent être reconnus et ne peuvent bénéficier du concours de l'État que ceux qui ont au moins un élu, des représentants dans les collectivités locales... Le PUP devra adhérer aux idées qui iront dans le sens de la sauvegarde de l'intérêt général. Dans tous les cas, le PUP y va avec un esprit ouvert sur le nombre de partis, sur la loi électorale, etc.
Parlons-en justement que reprochez-vous à la loi électorale ?
Son application qui a été dévoyée par les politiques. Quand nous avons élaboré cette loi, je me suis ouvert à certains en disant: attention. Le fait d'autoriser le transfert d'électeurs porte forcément les germes d'une espèce de fraude or On m'a répondu que dans l'esprit que l'on voulait mettre dans la loi, c'est pour permettre aux gens qui travaillent à Libreville et dont les parents résident à X ou Y point du Gabon, d'aller voter à condition de prouver un intérêt économique ou familial. Au Gabon, tout Gabonais a dans n'importe quel coin un intérêt familial. Les intérêts économiques c'est autre chose, mais qui en a finalement ? Personne. Résultat, on a permis aux gens qui ne peuvent pas être élus chez eux d'être élus. Voilà l'anomalie de la loi. Faudrait-il la retoucher ? Oui. Peut-on y toucher ? Non. Parce que la Constitution dit que si vous touchez la loi électorale, vous ne pouvez pas organiser des élections dans l'année. Entre deux maux, choisissons le moindre. On touche la loi électorale, on remet les élections à l'année prochaine. Nous sommes au 7e mois...
C'est votre proposition ?
Non. Ce n'est pas ma proposition. C'est une des pistes. Je dis entre deux maux il faut choisir le moindre. Ou toucher la loi électorale et renvoyer les élections à l'année prochaine. On donnera dans ce cas cinq mois aux sénateurs parce qu'en fait c'est ça enjeu. Ou bien on ne touche pas à la loi électorale, on va aux élections comme ça. Les mêmes causes vont produire les mêmes effets. Pour moi, le moindre mal, c'est qu'on donne cinq mois de plus aux sénateurs et aux maires et qu'on touche à la loi électorale, qu'on interdise ce transfert massif des électeurs et que ne votent que ceux qui sont recensés dans une localité.
On va certainement parler de la liste électorale. Pour avoir une meilleure liste électorale, il faut tout simplement s'appuyer sur la monographie. Les préfets et les gouverneurs savent le faire. Il suffit qu'on leur fasse confiance. Je pense que si on veut vraiment s'en sortir qu'on revienne à la monographie. Que ne votent dans un coin que les gens qui y sont recensés. Si quelqu'un qui a investi là-bas, qui y a sa maison veut voter la-bas qu'on l'accepte. Je pense qu'en politique il faut savoir raison garer. Il faut faire confiance aux uns et aux autres parce que ce uer préparons va s'appliquer à nous autres. Et comme la vérité est médiane, on trouvera le juste milieu dans tout ce que je viens de dire.
Vous semblez évoquer les limites des magistrats dans l'organisation des élections. Mais pensez-vous que l'administration, qui a déjà prouvé les siennes, est toujours qualifiée, notamment en matière d'établissement des listes électorales ?
Non, je pense qu'on pointe du doigt un peu trop vite. La liste est faite où ? A la Direction générale de l'Informatique (DG I), au ministère des Finances. La fraude ne vient pas au moment où les préfets établissent les listes électorales. Quand elles viennent des préfectures, elles sont acceptables. Les listes sont faussées quand elles arrivent à la DGI. Lorsque les listes reviennent de la DGI pour aller au Centre technique des élections (CTE), les dés sont déjà pipés. Donc que l'on enlève à la DGI la responsabilité d'établir la liste électorale nationale. Qu'on donne cette responsabilité au ministère de l'Intérieur qui assure aussi la tutelle du CTE dont on devra renforcer les compétences et surtout les moyens.
Je ne mets pas en cause la compétence des magistrats. Je dis simplement que c'est pas leur métier. A vous de comprendre ! Ils ont fait ce qu'ils ont pu. Ils l'ont bien fait. Mais les résultats sont là. Puisque nous voulons faire mieux, mais mettons le doigt là ou ça pèche. Faisons donc confiance à tous ceux qui y seront pour dire qu'ils vont produire quelque chose.
Chacun de nous joue un rôle. Le mien est celui d'agitateur d'idées. Le fameux forum, vous verrez qu'il abordera certainement les questions économiques, j'en avais déjà parlé.
Vous insistez là-dessus ?
Pourquoi pas ? Si on n'insiste pas on n'aura pas la possibilité de faire une adéquation entre nos volontés politiques et nos réalités économiques. Vous me direz que c'est trop de choses pour une seule réunion, je suis d'accord avec vous. Peut-être ce forum appellera-t-il un autre. Je ne cherche aucune paternité. Moi je suis un soldat. A la tête de cette armée il y a un général, c'est le président Bongo. J'essaie de jouer le rôle qu'on me confie. Est-il bien joué ou mal joué ? Je le joue quand même.
Pour être franc, et' ça retenez-le, le salut ne viendra pas de la refonte des institutions. Le salut viendra d'une équipe décidée à travailler, à prendre des risques. Tant qu'on n'aura pas cette équipe-là, on n'arrivera à rien. Les gens qui, avant d'agir, vont demander la permission au président de la République, ce n'est pas d'eux qu'on a besoin. On a plutôt besoin des gens qui travaillent, qui prennent des risque. Si c'est bien, le président de la République les félicite. S'ils font mal, le chef de l'État les jette dehors. Donc, de bonnes choses sortiront de cette rencontre, mais tant qu'on n'aura pas mis en place une équipe décidée à travailler, à prendre des risques même ceux qui déplaisent, on n'avancera pas.