Messieurs et mesdames de l'opposition gabonaise
Estimé(e)s compatriotes
Le Congrès Inter-Gabonais de Salut National (CIGASANA) s'est tenu du 8 au 15 octobre 2001 à Montclair dans le New Jersey, USA. Ce congrès fut un acte hautement patriotique où des Gabonais de tous bords, dont beaucoup ne sont encore qu'étudiants, ont sacrifié le peu de moyens qu'ils avaient pour faire le déplacement et aider notre nation à s'imaginer un nouvel avenir.
Cet acte hautement désintéressé devrait donc, pour l'opposition gabonaise, constituer un geste hautement symbolique montrant le genre d'exemple de sacrifice et d'oubli de soi que la classe politique gabonaise devrait apprendre à faire.
Cela fera bientôt 12 ans depuis 1989 que le peuple gabonais attend sa libération. Cette libération n'est pas venue, non pas parce que le peuple gabonais est passif comme beaucoup croient, mais surtout parce que les leaders de l'opposition ont manqué de tact politique. 12 ans après le retour du multipartisme au Gabon, la situation du Gabon ne s'est améliorée ni sur le plan politique, ni sur le plan économique. Ceci veut dire qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond quelque part.
Nous, participants au CIGASANA, accusons solennellement et sans ambiguïté l'opposition gabonaise de complicité avec le régime Bongo, car rien ne peut expliquer l'échec d'une opposition qui, depuis 12 ans, prétend se battre pour les intérêts du peuple alors que cette même opposition se prévaut dans une convivialité qui immobilise le peuple et assure la survie du régime Bongo. Une opposition ne peut réussir à défaire un régime dans un contexte de convivialité. Une opposition qui se respecte doit susciter la crise politique qui forcera un régime comme celui de Bongo à reculer devant un rapport de force qui ne lui laisse aucune chance de survie.
Nous, participants au CIGASANA, disons à l'opposition gabonaise que le moment est venu de prouver, une fois pour toutes, son patriotisme à la population. Il s'agit pour elle de choisir entre le Gabon et Omar Bongo. Trois noms à teneur historique dans le cursus politique du Gabon viennent à l'esprit: Paul Mba Abessole, Pierre Mamboundou et Pierre-Louis Agondjo. Ces trois personnages pourraient, s'ils s'oubliaient un instant pour travailler ensemble en vue de la libération du pays, mettre le régime Bongo hors d'état de nuire. Ces trois personnages jouissent d'assez d'influence politique dans le pays pour mener des actions dont le but serait de bloquer la machine politique gabonaise en vue d'un nouveau contrat social que le pays imposerait au régime Bongo.
Nous, participants au CIGASANA, trouvons impardonnable que l'opposition gabonaise refuse de travailler ensemble pour se défaire du bongoïsme au Gabon. Or, les trois leaders de l'opposition mentionnés ci-dessus pourraient, dans les 6 mois qui viennent, mettre le régime Bongo sur les genoux et sauver la nation de la débâcle actuelle.
Nous reconnaissons la nécessité maintes fois stipulée par le BDP-Gabon Nouveau non seulement de boycotter les élections législatives de décembre 2001, mais aussi d'empêcher par la force et la pression populaire la tenue de l'élection dans l'ensemble du pays.
L'opposition gabonaise doit se rendre compte du fait qu'Omar Bongo ne les laissera jamais gagner une élection législative au Gabon car son pouvoir en dépend. Il est donc à prévoir qu'une fraude massive sera organisée par le régime pour s'assurer une victoire sans failles.
Devant ce constat, qu'a l'opposition gabonaise à perdre? Bloquer le processus électoral en vue de la réforme nous semblerait être une meilleure stratégie, pourtant. Voilà pourquoi nous, participants au CIGASANA, pensons que l'opposition a tout à perdre dans le Gabon d'aujourd'hui. A ce titre, deux cas de figure se présentent:
1) Si l'opposition participe aux élections ou laisse Bongo les organiser, le régime Bongo les gagnera par la fraude et utilisera la participation de l'opposition pour montrer au monde que le Gabon est un pays démocratique. Or, nous savons tous que rien n'en est. L'opposition gabonaise sera alors totalement perdante et, en plus, se sera faite complice de l'abomination bongoïste en permettant à Bongo de continuer à brimer et à voler notre pays en toute impunité. Pourquoi l'opposition gabonaise accepte-t-elle les miettes du pouvoir alors qu'elle pourrait elle-même diriger le Gabon si elle s'efforçait de gagner en imposant la transparence au régime Bongo? Pourquoi attendre de Bongo qu'il distribue des millions pour vous faire taire alors que vous pourriez être à sa place pour faire le travail que le peuple attend de sa classe politique?
2) Le problème, dans ce cas est le suivant: la victoire de Bongo n'aura rien changé dans les attentes des Gabonais. Ceux-ci seront toujours déprimés, pauvres, volés, brimés, lésés et, donc, mécontents. Or, nous savons tous qu'au sein d'un peuple mécontent couve toujours le vent de la révolte. Ceci veut dire que le mécontentement populaire sera tellement grand après décembre 2001 que tout pourrait arriver au Gabon. Nous, participants au CIGASANA, prévoyons des jours malheureux pour notre pays si un tel scénario venait à se préciser. Nous voyons peu à peu le terrorisme, les coups d'état, la rébellion militaire et les soulèvements populaires devenir un risque incontournable dans le Gabon d'après décembre 2001. Or, si par exemple le peuple venait, par le coup d'état ou la révolte, à faire chuter le régime Bongo dans la violence, il est fort à parier que le nouveau régime annulera l'Assemblée nationale issue des élections de décembre 2001. Cela veut donc dire que l'opposition aura perdu son argent et son énergie pour rien en participant à des élections qui n'aident que le régime Bongo et non point le peuple gabonais. Parce que le peuple verra en l'opposition actuelle le complice du régime Bongo, cette opposition ne pourra jamais espérer, dans le Gabon nouveau de demain, jouer un rôle politique quelconque. Elle sera donc doublement perdante.
D'où la nécessité d'un ressaisissement patriotique. Un tel ressaisissement patriotique passe par un changement radical de stratégie politique. Paul Mba Abessole, Pierre Mombondou et Pierre-Louis Agondjo ont la possibilité d'immobiliser le pays en vue d'imposer le changement au régime. Il leur faut donc, dès maintenant, dans le cadre d'une stratégie globale, utiliser ce pouvoir. Nous, participants au CIGASANA, notons que le BDP avait déjà, dans plusieurs écrits, proposé un certain nombre de stratégies politiques pouvant mener à l'immobilisation du pays sur le plan électoral, afin de forcer Omar Bongo à accepter le changement.
Nous, participants au CIGASANA, appelons donc l'opposition gabonaise à s'organiser dès maintenant et à coordonner ses actions politiques de manière à boycotter et à empêcher le vote dans toute l'étendue du territoire national. Nous pensons que Mba Abessole, Pierre Mamboundou et Pierre-Louis Agondjo sont capables de quadriller le pays en imposant le boycott et le blocage électoral dans les zones du pays qu'ils contrôlent, et ceci aboutira au blocage effectif du pays dans son entièreté.
Nous, participants au CIGASANA, pensons qu'il est temps de montrer au régime Bongo que la légitimité populaire est avec ceux qui veulent travailler dans le sens du progrès, de la démocratisation et du bien-être de tous. Il est temps de mettre fin à la politique de la convivialité pour instaurer une ère nouvelle, celle du bras de fer et de l'assertion de la volonté populaire.
Nous, participants au CIGASANA, avons produit non seulement une nouvelle constitution gabonaise qui pourrait être le point de départ d'une nouvelle démocratie au Gabon, mais aussi l'inspiration d'une nouvelle impulsion patriotique capable de mener à des réformes politiques et économiques qui apporteront le bien-être à tous. Nous proposons donc à la classe politique gabonaise d'adopter sans tarder nos propositions de réforme pour épargner au pays les affres de l'instabilité qui l'attendent dans les jours, les mois, les années qui suivront les élections législatives de décembre 2001 si le pays laisse Omar Bongo se jouer, encore une fois, des aspirations du peuple.
Nous, participants au CIGASANA, mettons l'opposition gabonaise au défi de l'histoire. Les Gabonais aujourd'hui savent que l'opposition dans son entièreté s'est vendue à Omar Bongo. L'immobilisme convivial de Mba Abessole, Mamboundou et Agondjo en est la preuve. Ce pays, malheureusement, a fini par haïr son opposition autant qu'il hait le régime Bongo. Nous disons donc à cette opposition: retrouvez votre dignité et réconciliez-vous avec le peuple en aidant votre pays à se défaire du bongoïsme au Gabon. Vous verrez que le peuple gabonais retrouvera la confiance en vous qu'il a perdue et saura se montrer reconnaissant. Si, comme nous le proposons dans les conclusions et résolutions du CIGASANA, l'élection est repoussée à juin 2002 et les législatives tenues dans la transparence de nouvelles institutions, l'opposition gabonaise aura plus de chance de les gagner.
Cependant, si vous participez à l'élection de décembre 2001, vous aurez confirmé aux yeux de ce peuple que vous êtes tous des traîtres à la solde d'Omar Bongo qui vous paie pour jouer les figurants dans sa politique de monarchisation de la politique gabonaise. Dans ce cas, ni vous ni le régime Bongo n'aurez aucun avenir dans le Gabon de demain que les nouvelles générations de Gabonais préparent. Vous aurez certainement quelques députés-manioc à l'Assemblée nationale, mais ces postes seront de courte durée si un jour survient un coup d'état ou une révolution militaire ou populaire qui se chargera d'affirmer la caducité, l'illégalité et l'illégitimité des institutions issues du bongoïsme.
Le choix que vous ferez donc aujourd'hui conditionnera votre avenir politique au Gabon car nous doutons qu'un régime ayant pris le pouvoir dans la violence d'un coup d'état voudra associer à sa réforme des traîtres de la nation gabonaise qui ne pensent qu'à leurs postes et à gagner du ventre en se faisant corrompre par Bongo au détriment du peuple.
Nous, participants au CIGASANA, savons qu'un autre Gabon se prépare. Si l'opposition gabonaise accompagne les réformes, elle participera à la construction de ce nouveau Gabon. Par contre, si elle se fait complice de Bongo, ce nouveau Gabon se fera sans elle et ses leaders seront, comme le régime Bongo, jetés dans les poubelles de l'histoire gabonaise.
Pourquoi alors accepter de perdre quand vous pouvez gagner et faire vous-mêmes le Gabon de demain? La vérité est qu'aujourd'hui vous utiliserez vos ressources pour essayer, vainement, de gagner une élection perdue d'avance. Pourquoi ne pas utiliser ces mêmes ressources pour battre une campagne pour le boycott qui mènera à la chute du régime Bongo? Ce serait là une utilisation plus appréciable de votre argent et des 500 millions de F CFA que Bongo vous a récemment offert pour acheter vos consciences et vous forcer à prendre part à son élection frauduleuse.
Il vous appartient donc désormais de choisir qui vous désirez servir: le peuple gabonais ou Omar Bongo. Le boycott, à long terme, voudra dire la paix au Gabon et peut, en 6 mois seulement, mener le pays à la démocratie. Par contre, la participation aux élections, à court, moyen ou long terme, voudra dire un Gabon instable. Le choix à effectuer est donc clair car il semble évident que si l'élection de décembre 2001 se tient, le changement au Gabon aura de nouveau été retardé de 5 ans. Le Gabon ne peut plus se permettre 5 ans de bongoïsme incontrôlé, à un moment où l'on sait que le pétrole gabonais se sera épuisé justement dans les 5 ans qui viennent. Le choix est donc entre 6 mois de travail pour un changement immédiat ou 5 ans encore de bongoïsme, avec tous les risques de violence que cela comporte. Car la seule possibilité de libération viendrait alors d'actions violentes visant la fin immédiate du régime Bongo. Pourquoi condamner le Gabon à une telle possibilité quand une stratégie basée sur le blocage politique serait plus efficace, faisable en 6 mois au maximum et moins coûteuse en vies humaines?
Nous, participants au CIGASANA, osons espérer que vous avez encore en vous cet élan patriotique qui pourrait de nouveau faire de vous les héros de la nation gabonaise que vous auriez dû être si vous aviez eu plus à c?ur l'intérêt de cette nation.
Vive le Gabon uni dans la prospérité et la paix.
Veuillez agréer, Messieurs et Mesdames, nos salutations patriotiques.
Participants au CIGASANA. Montclair, New Jersey, USA.
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