Seuls les crédules et les âmes sans sophistication verront dans le voyage d'Omar Bongo aux USA un succès. Pour le BDP, et pour tous ceux qui savent observer, le voyage d'Omar Bongo aux Etats-Unis aura en réalité été marqué par un double échec : celui de la rencontre avec le président américain George W. Bush et celui de l'entrevue avortée entre Omar Bongo et le Dr. Daniel Mengara du BDP-Gabon Nouveau.
DE LA RENCONTRE EHONTEE AVEC GEORGE W. BUSH
Pour Omar Bongo, rencontrer le président américain est un honneur personnel. Omar Bongo en rêve depuis des années maintenant et le désir d'une telle rencontre était presque devenu une question de vie ou de mort pour lui. Omar Bongo aura ainsi au cours de la dernière quinzaine d'années dépensé près de 50 milliards de F CFA volés à l'état pour payer des lobbies américains dans l'espoir de faire aboutir ce rêve d'enfant gâté. Au-delà du caractère enfantin, voire capricieux, de cette poursuite de l'honneur personnel aux dépends du contribuable gabonais, le dictateur veut faire croire au peuple et au monde que le président américain aura donné caution à sa dictature en acceptant de le rencontrer. Rien n'est plus loin de la réalité.
Le constat le plus évident doit donc être le suivant : la rencontre Bush-Bongo ne peut être vue comme une quelconque caution donnée à Omar Bongo par le président américain. D'abord parce que Bush n'est pas dupe quant à ce qu'Omar Bongo représente : un dictateur incompétent qui n'a jamais été capable de gérer un pays d'à peine un million d'habitants, pays pourtant doté de richesses qui auraient pu en assurer le développement. En cela, Bush est très bien informé et le gouvernement américain, dans ses rapports annuels sur le Gabon, ne voit aucunement en Bongo un démocrate. Bien au contraire, le gouvernement américain a toujours décrit le régime Bongo comme une dictature qui, malgré le multipartisme, est restée la même, et les Gabonais comme un peuple privé de libertés politiques et humaines.
Mais pour bien comprendre les possibles raisons d'une rencontre entre Omar Bongo et George W. Bush, il faut pousser la réflexion plus loin et dégager les finalités qui ont mené le président américain à rencontrer Bongo, et Bongo à rencontrer Bush.
Pour Omar Bongo, rencontrer le président américain se réduit à une simple question de prestige personnel, car Omar Bongo a toujours caressé ce rêve comme un caprice d'enfant. Bongo se sent " grandi " par une telle rencontre, sans doute parce qu'il se sait politiquement petit. Et parce qu'une telle rencontre pour lui se résume à une question personnelle, ce n'est pas en homme d'état représentant un pays nommé Gabon que Bongo est allé rencontrer Bush. Bongo est allé rencontrer Bush non pas pour promouvoir le Gabon et l'image du Gabon, mais pour promouvoir la personne Bongo et l'image de Bongo. Cette différence est très importante si l'on veut comprendre le machiavélisme bongoïste à un moment où le dictateur se prépare à voler aux Gabonais un autre mandat de sept ans, alors que les Gabonais n'en veulent plus. La vraie question que les Gabonais doivent donc se poser est la suivante : quel est le bénéfice pour le Gabon du voyage d'Omar Bongo à Washington? La réponse à cette question est évidente : aucun.
Nous nous expliquons.
Pour tout leader qui se respecte, une rencontre avec le président des Etats-Unis est une opportunité unique et inespérée de promouvoir l'image de son pays et le placer sur l'échiquier politique, sociologique et économique des Américains. C'est l'occasion de permettre aux Américains ordinaires de savoir qu'il existe quelque part en Afrique un pays nommé Gabon, avec des ressources économiques, touristiques et humaines qui, dans le cadre d'une coopération globale entre les deux pays, pourraient ouvrir de nouvelles opportunités aux uns et aux autres. Pour pas mal de leaders africains qui ont rencontré le président américain dans un cadre respectable, cela a effectivement été le cas : on citera les réceptions somptueuses et hautement médiatisées qui auront accompagné les visites de Thabo Mbeki et Olesegun Obasanjo à la maison blanche, visites qui, parce que médiatisées et organisées dans le faste de l'impressionnant protocole diplomatique américain, auront rehaussé l'image des deux pays aux yeux des Américains ordinaires.
Mais pour Omar Bongo, la rencontre avec George Bush a été une rencontre hautement humiliante. Il n'y a pas eu médiatisation de la rencontre dans les médias américains. Omar Bongo n'est passé sur aucune télévision américaine ni sous forme de reportage ni sous forme d'interview. Il n'y a eu du côté américain ni réception fastueuse, ni considération particulière. Omar Bongo a été reçu par Bush en catimini comme il recevrait un simple citoyen, ce qui pour les Américains équivaut à une insulte et un manque d'estime pour la personne reçue. C'est un peu comme si on avait fait passer Bongo par la porte de la cuisine de la maison blanche et non par la porte d'entrée. Pour ceux qui savent lire les codes du protocole américain, il est facile de comprendre ce qui s'est passé. Le président américain reçoit les leaders étrangers selon deux procédures : les procédures fastueuses réservées aux leaders respectables, et les procédures discrètes, réservées aux leaders que l'on ne veut pas exposer au public américain de peur de ternir l'image de l'Amérique. Dans le cadre fastueux, l'état américain met en branle toute une logistique médiatique et protocolaire qui se conclut souvent par un point de presse commun avec journalistes, télévisions et autres dans les jardins de la maison blanche. Dans le cadre d'une réception discrète, le protocole américain fait tout pour garder un profil très bas et se garde de faire de la publicité sur la personne reçue si celle-ci n'est pas respectable. C'est ainsi qu'Omar Bongo a honteusement été reçu pendant 30 minutes par George Bush, en catimini, sans pompes ni fastes, ridiculisant ainsi non seulement le personnage Omar Bongo, mais aussi le Gabon. Et l'on se demande comment on peut, en 30 minutes, parlant des langues différentes qui doivent être traduites, faire le tour de tous les problèmes auxquels le journal L'Union fait allusion. C'est dire que la rencontre avec Bush fut une rencontre vite expédiée, et totalement infructueuse quant à son objet premier.
Cette honte, cette insulte faite à Bongo par Bush est révélatrice d'un fait très simple : le président américain, contrairement à ce que le journal de Bongo L'Union a publié dans ses pages, n'a pas reçu Omar Bongo avec le respect et les égards qui se doivent : tout ce que Bongo a reçu de cette réunion c'est l'opportunité d'une poignée de main et d'une photo, c'est tout. Mais pour le Gabon, l'humiliation est grande car le fait que les Américains n'aient accordé aucune importance ni dignité à la présence de Bongo à la maison blanche veut dire que le Gabon en tant que pays n'aura nullement profité de cette opportunité pour se faire connaître dans un sens qui aurait pu en promouvoir l'image. Or, seule la promotion de son image pourrait faire que demain les Américains ordinaires sachent qu'il existe un pays en Afrique vers lequel ils peuvent aller soit comme touristes, soit comme investisseurs. En allant donc faire sa promotion personnelle auprès de George Bush, Omar Bongo a oublié de faire celle du Gabon, et ceci a fini dans la double humiliation d'Omar Bongo lui-même et de son pays. Bongo n'est donc revenu au Gabon qu'avec une photo en main. Bizarrement, Omar Bongo semble en tirer une satisfaction maladive, ce qui démontre le caractère particulièrement égoïste du personnage, incapable de penser à son pays ni au bien de son peuple.
L'insulte faite par Bush à Bongo, en le recevant dans la discrétion la plus totale, doit donc être lue comme un refus de cautionner la dictature d'Omar Bongo. Cette insulte montre que Bush a terriblement honte de se retrouver en présence de ce personnage diabolique. La rencontre Bush-Bongo doit donc être vue, non pas comme une apothéose sanctionnant la grandeur d'Omar Bongo, mais plutôt comme un positionnement stratégique des USA vis-à-vis du Gabon. Dans ce positionnement, ce n'est pas Bongo qui intéresse les Américains, mais le Gabon. Rencontrer Bongo n'est pas pour eux synonyme de caution politique. Rencontrer Bongo pour les Américains veut dire commencer maintenant leur repositionnement stratégique vis-à-vis de l'Afrique, et placer un tel repositionnement dans le long terme de la nouvelle poussée stratégique des Américains en Afrique. Dans cette optique, Bongo n'est qu'un accessoire sans symbolique particulière, vu que avec Bongo ou sans Bongo, l'Amérique doit absolument faire du Gabon un maillon de sa nouvelle stratégie géopolitique.
Qu'Omar Bongo veuille donc exploiter cette rencontre comme une caution américaine ne peut guère étonner. Le personnage est limité dans sa capacité à comprendre que ce n'est pas à lui que les Américains s'intéressent, mais au Gabon. Cet intérêt dépasse le cadre du personnage Bongo et se place résolument dans une nouvelle politique africaine de l'Amérique, politique qui, en ce qui concerne le Gabon, ne dépend pas de qui est au pouvoir au Gabon, mais plutôt des impératifs géostratégiques propres aux Américains. Mais les Américains, il ne faut point s'y tromper, suivent également d'un œil attentif les développements politiques au Gabon. Omar Bongo n'est donc pas au bout de ses surprises s'il croit naïvement que la photo et la poignée de main qu'il a rapportées de Washington veulent dire que les Etats-Unis accordent un quelconque crédit au fait qu'il ait manipulé la constitution gabonaise au gré de ses humeurs et qu'il soit en train de ramener notre pays au parti unique.
DE LA RENCONTRE AVORTEE ENTRE OMAR BONGO ET LE DR. DANIEL MENGARA
La visite d'Omar Bongo aux USA aurait pris une tournure pour le moins positive et inespérée pour lui si, en plus de l'entrevue avec le président américain George W. Bush, il avait pu en même temps rencontrer le Dr. Daniel Mengara, Coordonnateur du BDP-Gabon Nouveau et Premier ministre du gouvernement de salut national en exil. Cela fait en effet plus de trois ans qu'Omar Bongo essaie de rencontrer le Dr. Daniel Mengara. Il n'y a pas d'année qui soit passée au cours des trois dernières années sans que le BDP ne reçoive du pouvoir en place une sollicitation de rencontre entre le Dr. Daniel Mengara et Omar Bongo. Chacun des voyages à l'étranger du dictateur gabonais devenait donc pour lui une opportunité de voir le Dr. Daniel Mengara en personne. Ce dernier voyage d'Omar Bongo n'aura donc pas échappé à la règle.
Pour Bongo, rencontrer à la fois George W. Bush et le Dr. Daniel Mengara revêtait une importance stratégique capitale. Les deux rencontres auraient été pour lui l'occasion de démontrer naïvement au monde 1) que même le président américain cautionne sa dictature vu qu'il a accepté de le rencontrer, et 2) que Bongo est un homme d'ouverture qui aura été capable de rassembler autour de lui des opposants de tous poils, et même de les joindre à son camp. Dans la pensée machiavélique du dictateur donc, rencontrer le Dr. Daniel Mengara juste après avoir rencontré George W. Bush aurait servi de prétexte à Bongo pour montrer à Bush et au monde qu'il était prêt à négocier même avec ses opposants les plus farouches. Et cela aurait en effet été une occasion inespérée pour lui de mettre de la poudre aux yeux de Bush en se présentant à lui comme un démocrate dans les faits et les gestes.
Mais, en croyant que le Dr. Daniel Mengara irait à Washington le rencontrer, la naïveté d'Omar Bongo lui aura coûté une humiliation supplémentaire. Cette naïveté est d'autant plus frappante que l'on se souviendra qu'en décembre dernier, Omar Bongo avait déjà invité le Dr. Daniel Mengara à une rencontre à Paris et que le BDP avait non seulement rejeté le principe d'une telle rencontre, mais posé dans un article un certain nombre de conditions qui, si elles étaient réunies, pourraient éventuellement mener à la possibilité d'une entrevue entre les deux hommes. La direction du BDP-Gabon Nouveau fut donc surprise de voir le régime solliciter une nouvelle rencontre à Washington sans tenir compte des conditions déjà énumérées dans l'article de rejet posté le 3 janvier dernier sur le site du BDP.
L'échec de la nouvelle sollicitation de rencontre faite au BDP par le régime Bongo tient à un certain nombre de critères. Le régime semble s'être fossilisé dans des méthodes de commando, qui consistent à annoncer ses sollicitations au dernier moment, souvent moins d'une semaine avant la date de la rencontre, croyant ainsi naïvement que le BDP et ses dirigeants se précipiteraient à une rencontre avec le pouvoir juste parce que Bongo l'aura sollicitée. Ces méthodes chaotiques et désordonnées, dans lesquelles André Mba Obame se spécialise tout particulièrement, ont sans doute marché avec des roublards opportunistes comme Paul Mba Abessole, Siméon Ekoga et autres malfamés vivotant en France et incapables de se prendre en charge dans la dignité ; mais ce sont là des méthodes qui ne marcheront aucunement avec le Dr. Daniel Mengara. D'abord parce que le BDP ne recherche aucunement une rencontre avec Bongo. Ensuite parce que le BDP a pour objectif la fin inconditionnelle du régime Bongo.
Ce que le régime n'arrive toujours pas à comprendre est que le BDP ne saurait aller ou envoyer le Dr. Daniel Mengara à une rencontre ou négociation avec le régime sans qu'il y ait eu, au préalable discussion au sein du mouvement quant au bien-fondé d'une telle rencontre. Parce que le BDP ne décide rien de manière arbitraire, l'une des conditions qui avaient été données au pouvoir lors de ses demandes précédentes était la nécessité pour le BDP de recevoir une sollicitation officielle au moins un mois avant la date présumée d'une rencontre. Mais comme à son habitude, le régime Bongo par le truchement maladroit d'un Mba Obame trop pressé de satisfaire son maître, s'est illustré dans la navigation à vue, le manque chronique du sens de l'organisation, la programmation chaotique, les méthodes déceptives et calculatrices, entraînant ainsi le rejet automatique du BDP. Car comment le BDP aurait-il pu, en l'espace d'une semaine, s'organiser, convoquer ses réunions et prendre une décision qui reflèterait la position globale du mouvement vis-à-vis d'une possible rencontre avec Omar Bongo ?
La fin de non-recevoir donnée, une fois de plus, à la sollicitation de rencontre du régime découle donc non seulement de la totale cacophonie qui semble régner dans la manière dont s'organise le régime pour approcher le BDP, mais aussi d'un certain nombre de principes fondamentaux qui régissent la finalité du mouvement et son existence. Le BDP-Gabon Nouveau, comme son nom l'indique, cherche la fin du régime Bongo par tous les moyens possibles. A ce titre, une rencontre avec le régime Bongo n'est ni nécessaire, ni essentielle à la finalité du mouvement, vu que la philosophie du " Bongo doit partir " en demeure le leitmotiv le plus inébranlable. Dans ce contexte, il appartient au régime de faire montre d'un certain sérieux s'il veut un jour pouvoir rencontrer la direction du BDP-Gabon Nouveau. Ceci veut dire bannir la précipitation, s'engager dans des pré-négociations qui aplaniraient un certain nombre d'écueils avant la rencontre, et faire preuve de bonne foi en donnant suite aux diverses conditions posées par le BDP avant toute rencontre.
Outre, donc, les conditions déjà posées dans un certain nombre de documents, le BDP-Gabon Nouveau, pour jauger le sérieux du régime, a rajouté au cours de la semaine dernière un certain nombre d'autres conditions, dont les plus importantes sont : 1) le rétablissements de tous les bédépistes arrêtés l'année dernière dans leurs droits politiques et professionnels, 2) la libération immédiate des trois étudiants arrêtés au mois de mai par le régime, et 3) la légalisation immédiate et inconditionnelle du BDP-Gabon Nouveau. Pour le BDP-Gabon Nouveau, donc, la satisfaction de conditions telles que celles-là serait la seule manière pour le pouvoir de démontrer son sérieux. Il va donc sans dire que tant que le pouvoir ne respectera pas les diverses exigences du mouvement, il n'y aura jamais de rencontre, ni de négociations entre le BDP et le régime Bongo.
C'est dire, en conséquence, que le voyage d'Omar Bongo aux Etats-Unis est celui d'un double échec. Bongo n'a pas été reçu par Bush dans le faste et la dignité dus à un président que l'on respecte, et il n'a pas pu obtenir du Dr. Mengara l'entrevue tant recherchée. La mise en scène d'Omar Bongo auprès des Gabonais ne doit donc étonner personne. Le régime Bongo est à bout de souffle et il espère que la photo et la poignée de main bushienne rapportées de Washington suffiront à faire oublier aux Gabonais les 37 ans de misère infâme sous un régime qui les a bestialement appauvris et brimés. Omar Bongo a la mémoire courte. Le Gabon de 2005 ne sera pas celui de 1990.