Article corrigé et remis à jour le 8 février 2005.
Quand des présidents auto-proclamés et sans légitimité animalisent pendant 38 ans leurs peuples, que vaut réellement leur mort? Gnassingbé Eyadéma est mort, mais quel héritage de réalisations laisse-t-il derrière lui après 38 ans d'un pouvoir animalier? Pour le peuple togolais enfin libéré par la volonté divine qui aura foudroyé pour lui ce malfrat président, le temps des bilans est arrivé.
Il est de coutume pour les Africains d'observer de la retenue à la mort d'un humain, qu'il s'agisse d'un proche ou d'une personne connue de manière périphérique. Ceci parce que la mort, pour l'Africain, est un événement sacré qui confirme le caractère humble de la vie humaine: elle est si petite, si fragile, la vie humaine. Le deuil, dans ce cas, devient un acte communautaire par lequel un clan, un village, une nation, se rassemble pour méditer sur la nature fragile de la vie et aider le membre décédé à affronter cet inconnu effrayant vers lequel il aura été poussé par la destinée.
La mort d'Eyadéma, hélas, ne sera pas de nature à rassembler les Togolais dans la méditation car la tradition africaine de respect des morts se trouve fortement pervertie dans ce cas particulier. Les Togolais, contrairement aux traditions de nos ancêtres, ne pleureront pas la mort d'Eyadéma. Au contraire, l'on peut sans peine s'imaginer la joie indicible des Togolais le jour où ils ont appris la mort du dictateur, passé miraculeusement de vie à trépas à un moment où personne ne s'y attendait! Pour toutes les misères causées au peuple togolais, le cadavre de Gnassingbé Eyadéma doit être vu comme un cadavre maudit.
L'on organisera sans doute un "deuil national" en l'honneur du dictateur, mais ce deuil national ne sera pas celui du peuple togolais. L'on prononcera sans doute des requiems élogieux à la mémoire du "grand timonier" togolais, le dictateur qui de son vivant se croyait frappé du sceaux de l'immortalité. Mais ces requiems laisseront froid le peuple togolais.
De son vivant, Gnassingbé Eyadéma n'a pas mérité le respect de son peuple. Comme tout bon dictateur, il a continué à mentir, flouer et tromper son peuple, même jusque sur son lit de mort. Les bruits courent qu'Eyadéma serait mort depuis quelques jours déjà, mais que l'annonce de sa mort aurait été retardée pour mieux préparer la "transition".
Et quelle transition! Le dictateur a tout simplement fait du Togo un monarchie héréditaire: il a préparé la continuité de son régime machiavélique en cédant le pouvoir à son fils, sans le minimum de souci pour le texte constitutionnel du pays, qui voudrait que le pouvoir soit cédé temporairement au président de l'Assemblée nationale, qui aurait alors la charge de préparer une nouvelle élection. Jusque dans sa mort, et probablement jusqu'à cet enfer dans lequel il ira sûrement brûler, Eyadéma aura voulu nuire à son peuple.
Et quelle drôle de mort! Eyadéma est mort de sa propre épée! Si la rumeur officielle qui parle de mort soudaine par crise cardiaque est vraie, l'on peut se permettre un peu de cynisme. Pour espérer sauver leur "président", les membres du régime auront, selon les dépêches de presse, essayé d'évacuer Eyadéma vers l'Europe, mais entre l'Europe et le Togo, c'est quand même six heures d'un vol qui s'est révélé fatal. Voyage trop long. Du coup, le retour de boomerang se ressent avec une cruauté presque réjouissante. Et l'on s'interroge: le Togo n'a-t-il donc aucun hôpital capable de sauver la vie de son président? La réponse: NON. En fait, le Togo n'a AUCUN hôpital capable de sauver la vie de qui que ce soit. Comme au Gabon, les hôpitaux togolais sont de vrais mouroirs. Le sous-développement, on ne le dira jamais assez, tue. Eyadéma est mort du même sous-développement qu'il a utilisé comme arme pendant 38 ans pour acculer son peuple à la misère. Eyadéma a tué par l'épée du sous-développement et il est mort par la même épée.
Et demain, on osera parler de deuil national au peuple togolais. Et on leur demandera de "pleurer" le mort car nous sommes "Africains". Eh bien, si c'est cela l'Afrique, rejetons cette Afrique des pardons aveugles, des compassions déplacées et des humanismes débordants. Adoptons, pour nous faire justice, pour une fois, les grandes valeurs européennes que sont la potence pour les criminels, l'autodaffé pour les hérétiques et le peloton d'exécution pour les traîtres. Eyadéma a assujetti son peuple parce que ce peuple a continué à se comporter en "Africain", préférant souffrir en silence plutôt que de se révolter contre cet homme cruel qui a construit sa fortune sur la misère de toute une nation. Si les "Africains" que nous sommes devenions, le temps d'une révolution, "Européens", c'est-à-dire cruels et intraitables envers ceux qui nous ont fait du tort, alors Eyadéma de son vivant comme de sa mort ne méritera que les crachats de son peuple. Et ceux de son régime qui veulent aujourd'hui lui succéder par la machination mériteront une lapidation publique. Les Togolais, pour se faire justice, devront arrêter d'être "Africains". Le sens de l'honneur et de la dignité le demande.
Et tant pis pour Jacques Chirac qui restera à pleurer ces "amis de la France", ces "amis personnels" dont la mort le couvre de cette extrême tristesse qu'il a, sans retenue, proclamée au monde. Pour les Togolais comme pour les Gabonais, Gnassingbé Eyadéma et Omar Bongo représentent l'infâmie personnifiée. Il est dommage que Jacques Chirac, le soi-disant héritier du gaullisme nationaliste qui combattit l'occupation allemande, soit insensible à l'infâme palmarès de ses "amis" meurtriers de peuples. Mais bon, les Français eux-mêmes nous ont appris à dire: "Qui se ressemble s'assemble". Ne remettons pas en cause ce dicton. Surtout pas maintenant.
Ce qui est sûr c'est que le nom de Gnassingbé Eyadéma donne des frissons à tous ceux qui, des faubourgs de l'Afrique meurtrie, se souviennent de ses méfaits. Gnassingbé Eyadéma, nom cruel; Gnassingbé Eyadéma: homme cruel. Ni les souffrances vieilles de 38 ans de son peuple, ni les derniers moments passés sur son lit de mort, n'ont pu amener le dictateur à la repentance. Son âme perdue s'y est refusée jusqu'au bout. En quoi donc le peuple togolais devrait-il le moindre égard à un président animal qui de son règne aura représenté la bestialité dans toute son ampleur? Il laisse derrière lui un pays exsangue économiquement, instable politiquement et une renommée parmi les plus honteuses du monde. Eyadéma était l'un des présidents les plus anciens au monde: 38 ans au pouvoir. Il n'était dévancé que par Fidel Castro de Cuba.
Derrière Eyadéma à ce palmarès de la honte se trouve bien évidemment le président auto-proclamé du Gabon, Omar Bongo, un autre "trente-huitièmiste" animalisé qui, comme Houphouet-Boigny et Eyadéma, rêve de mourir au pouvoir et de faire du Gabon une monarchie héréditaire. Ce qui se passe au Togo est déjà annonciateur de ce à quoi l'on pourra s'attendre de Bongo au Gabon. Dans ces pays avec des états mafia où les constitutions ne valent rien, sans nul doute qu'Ali Bongo, déjà pré-positionné au Ministère de la défense gabonaise, espère pouvoir succéder "princièrement" à son père grâce à ce contrôle direct de l'armée. Le Gabon passerait ainsi naturellement d'un bongoïsme "ondimbien" à un bongoïsme "alibénien", ce qui voudra dire la continuité du bal des vampires, de père en fils. Le "renouveau" de l'Afrique passe désormais par les monarchies présidentielles, où les fils succèdent aux pères. Il y a des précédents: Congo-Kinshasa, de Kabila à Kabila. Maroc: de Hassan à Hassan (le Maroc au moins a une excuse, c'est--inacceptablement--une monarchie). Aujourd'hui, le Togo perpétue la nouvelle tradition: il est passé d'Eyadéma à Eyadéma. Demain ce sera le Gabon qui nous servira du Bongo II, et après demain, la Guinée Equatoriale nous pondra un Obiang II. Et tout cela sans élections! Les vampires se réuniront tout simplement la nuit, et pondront de nouvelles constitutions à la va-vite pour introniser les nouveaux roitelets. Et alors, tel père, tel fils, les roitelets arriveront au pouvoir exactement comme leur papa: dans l'illégalité et l'illégitimité les plus absolus. Bonne manière de commencer son règne. D'état mafia on passe à état mafia, sans changement de manière ni de méthode. C'est cela, la nouvelle Afrique, celle des anachronismes et de l'arbitraire.
Dans ce contexte d'animalité où des présidents illégitimes au sommet de la cruauté auront fait montre d'un vécu machiavélique vis-à-vis de leur peuple, les Africains que nous sommes nous devons de nous refuser à leur accorder l'humanité qu'ils nous auront refusée. Pendant 38 ans, Eyadéma et Omar Bongo auront tué, assassiné, appauvri, brimé, menacé, violé, volé, détourné, menti, emprisonné, censuré, usurpé, affamé, mal soigné, mal éduqué et sacrifié leurs peuples à l'autel de leurs diaboliques ambitions personnelles. Incompétents jusqu'à la moelle, ils ont excellé par la kleptomanie et l'arbitraire.
Aucune punition ne sera jamais suffisante pour ces criminels. Même enterrés, leurs cadavres devront être exhumés et présentés à la vindicte populaire, comme ce fut le cas avec le cadavre de Samuel Doe au Liberia.
Pour que, quelque part, les peuples gabonais et togolais s'accordent un minimum de justice, leur devoir national est de refuser qu'on leur impose des deuils nationaux à la mémoire des sanguinaires usurpateurs criminellement morts au pouvoir, alors que la moralité leur dictait de s'en aller et de laisser leurs peuples respirer un peu.
Le devoir national des peuples togolais et gabonais est d'organiser, à la place du deuil national, une kermesse de réjouissances nationales dans le plus grand stade omnisport du pays, kermesse au cours de laquelle ces peuples se vengeront de leurs incorrigibles bourreaux en jetant tout simplement leurs cadavres en pâture aux chiens.
Dr. Daniel Mengara
Coordonnateur
Premier ministre du gouvernement gabonais de salut national en exil
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