Le nouveau ministre français de l’Economie et des finances, Thierry Breton, a fait sa première sortie politique en Afrique en allant présider à Cotonou, le 7 avril, la réunion bi-annuelle des ministres des Finances des 14 pays de la zone franc.
Bien que la France n’ait plus l’usage du franc, elle demeure dans la zone franc, puisque la monnaie des colonies françaises d’Afrique (CFA) créée en 1945 et devenue Franc de la communauté financière africaine en 1959 est toujours garantie par le trésor public français. La France garde donc la haute main sur cette monnaie qui lie 14 pays d’Afrique occidentale et centrale. Le ministre français de l’Economie et des finances, Thierry Breton, est allé faire le point de la situation avec ses homologues africains, les gouverneurs des banques centrales et les différents présidents des institutions financières rattachées au franc CFA. Thierry Breton avait également pour mission de défendre une idée chère au président français Jacques Chirac qui concerne la taxation des billets d’avion pour financer les programmes de santé en Afrique.
L’idée « petit à petit fait son chemin » affirme Thierry Breton qui promet de soumettre le projet aux pays riches et industrialisés membres du G8. Selon les autorités françaises cette taxation internationale sur les transports aériens devrait « assurer un financement sur le long terme ». Les potentiels bénéficiaires ont naturellement manifesté un grand intérêt pour ce projet français, mais n’ont pas perdu de vue les principaux thèmes à l’ordre du jour de la rencontre de Cotonou qui portent « la micro finance et les transferts financiers des migrants, la convergence des politiques économiques, le secteur bancaire et le financement de l’économie, l’agenda 2005 en matière de développement et la préparation des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale ». Une petite journée de communications diverses et les argentiers de la zone franc se sont félicités « de la reprise économique » qui se manifeste par « une croissance de plus de 5% en 2004 » dans l’ensemble de la zone.
Comment regagner le terrain perdu
La présence du ministre français de l’Economie et des finances n’est pas anodine dans ce contexte. En effet, depuis quelques années, les échanges entre la France et les pays de la zone franc sont en baisse régulière. Seulement deux pays, le Burkina Faso et la Guinée équatoriale ont vu leurs importations de produits français croître de 95%. Malgré une baisse de plus de 15%, la Côte d’Ivoire est le premier pays de la zone à consommer français avec 560 millions d’euros d’importation, devant le Cameroun, 514 millions, le Sénégal 505 millions, le Gabon, 346 millions, le Congo, 220 millions, le Bénin 209 millions. Par ailleurs, les exportations vers la France, essentiellement dominées par des produits agroalimentaires, ont aussi enregistré en 2004 une baisse de 13,8% par rapport aux chiffres déjà en recul en 2003 de 1,42 milliard d’euros. La Côte d’ivoire, le Cameroun, le Gabon, le Sénégal, le Congo concentrent à eux-seuls 90% des importations françaises en provenance des 14 pays de la zone franc.
Les événements politico-militaires en Côte d’Ivoire tiennent une bonne place dans la réduction des échanges notamment par la désaffection des filiales et entreprises françaises implantées dans ce pays. Environ 600 petites et moyennes entreprises tenues ou liées par des groupes français, ont été réduites d’un tiers. Le Gabon qui n’a pas connu les mêmes remous a cependant vu l’implantation des entreprises françaises passée de plus de 106 en 2000 à moins de 80 en 2002. Cette érosion préoccupe les autorités françaises qui manifestent de plus en plus beaucoup d’intérêt pour les pays de la zone franc non francophones. La présence de la France en Guinée équatoriale (hispanophone) et en Guinée Bissau (lusophone) est marginale. L’environnement politique incertain dans nombre de pays de la zone explique aussi le désintérêt des entrepreneurs privés français.