Présidentielles 1998


Un leader de l'opposition gabonaise appelle à "un deuil national"

LIBREVILLE, 19 déc (AFP) - Le père Paul Mba Abessole, leader du principal parti d'opposition gabonais, le Rassemblement national des bûcherons (RNB) a appelé samedi les Gabonais à observer "un deuil national" enréaction à la réélection d'Omar Bongo. Candidat malheureux à l'élection présidentielle, le père Abessole qui est également maire de
Libreville, a qualifié le scrutin du 6 décembre de "mascarade électorale". "Ce deuil national, à partir d'aujourd'hui et jusqu'à la fin du mois, se manifestera par le port d'un brassard blanc au bras gauche", a proposé le père Paul Mba Abessole, au cours d'un meeting qui a rassemblé plusieurs milliers de partisans dans un quartier populaire de Libreville.

"Celui qui prétend être le président de la République n'est qu'un imposteur, le Gabon n'a pas de président actuellement", a poursuivi M. Abessole, qui n'a recueilli que 13,16% des suffrages exprimés contre 66,88% à M. Bongo. Le maire de Libreville qui envisage un recours devant la Cour constitutionnelle pour faire annuler le scrutin, a également lancé un appel à "soutenir massivement les grèves des fonctionnaires et leurs revendications légitimes". "Nous refusons tout gouvernement d'union nationale, nous restons dans l'opposition et nous allons nous battre avec détermination pour libérer notre peuple", a poursuivi le père Abessole, affirmant que "les Gabonais sont menacés d'être réduits à l'état de bêtes sauvages". Deux autres candidats de l'opposition, Pierre Mamboudou du Haut conseil de la résistance (HCR, coalition de cinq partis - 16,50% des voix), et Pierre-Claver Maganga-Moussavou du Parti social-démocrate (PSD - 0,99%), ont également rejeté vendredi soir l'appel lancé mardi par le président Bongo qui se disait "prêt à dialoguer" avec l'opposition.

Dans un texte commun du HCR, du PSD et du RNB, les trois leaders exigent "six préalables" au dialogue, dont principalement "l'annulation du scrutin du 6 décembre" suggérant qu'une nouvelle élection devrait être organisée sous le contrôle de l'ONU. Le texte exige aussi, de la part du Premier ministre, du ministre de l'Intérieur, du président de la Commission nationale électorale, de la présidente de la Cour constitutionnelle et du directeur général du CEDOC (service de renseignements), d'"aveux publics" des fraudes qu'ils auraient commises.

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Le président réélu Bongo se déclare "prêt à dialoguer" avec l'opposition

LIBREVILLE, 15 déc (AFP) - Le président gabonais Omar Bongo, réélu le 6 décembre au 1er tour de l'élection présidentielle avec 66,88% des voix, a estimé, mardi soir, que ce scrutin n'a fait "ni vainqueur ni vaincu" et s'est déclaré "prêt
à dialoguer" avec l'opposition. "Cette consultation n'a fait ni vainqueur ni vaincu. Je suis disposé, comme par le passé, à engager avec vous et toute la classe politique gabonaise une réflexion plus approfondie sur l'avenir de notre pays", a affirmé lors d'une allocution télévisée le nouveau président élu pour sept ans.

"Je souhaite que les uns et les autres acceptent sans arrière-pensée cette demande de dialogue et de concertation que
l'ensemble de notre peuple appelle de tous ses voeux", a poursuivi M. Bongo. Estimant "qu'en dépit de quelques insuffisances relevées ici et là, toutes les personnes de bonne foi on pu attester de la transparence et de l'équité de ce scrutin", le président Bongo a précisé qu'il était "prêt dès maintenant à engager ces échanges pour, qu'ensemble, nous trouvions les voies nouvelles pour un développement plus équilibré de notre pays". "Il est plus que temps pour le Gabon de se donner les moyens permettant à la démocratie de s'enraciner, d'évoluer sans heurt et de mettre en place les techniques électorales qui amèneront les uns et les autres à accepter le verdict des urnes", a-t-il ajouté, citant notamment la possibilité de rendre "permanente" la Commission nationale électorale (CNE).

Le nouveau président a d'autre part souhaité que "le pays se remette rapidement au travail": "j'en appelle à votre maturité,
a-t-il dit au lendemain d'une +journée ville morte+ organisée sans grand succès par l'opposition, pour que le calme, la sérénité
et la compréhension mutuelle règnent afin que solidaires et unis nous puissions affronter les défis qui pointent à l'horizon,
notamment la crise économique". Pour M. Bongo, "le nouveau défi que nous allons maintenant nous efforcer de mettre en place doit reposer sur une démocratie consensuelle et participative". "Ce modèle, a-t-il conclu, doit permettre à chaque Gabonais de bénéficier de la liberté d'action garantie par un état de droit, de voir s'améliorer de manière sensible ses conditions de vie et de travail". L'opposition gabonaise, rappelle-t-on, a, dans son ensemble, vivement protesté contre les conditions de la réélection du président sortant, au pouvoir depuis 31 ans, en dénonçant notamment "le coup d'Etat électoral". Plusieurs partis politiques ont introduit un recours devant la Cour constitutionnelle pour demander l'annulation du scrutin.

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La "journée ville morte" de l'opposition faiblement suivie
par Jean-Pierre REJETE

LIBREVILLE, 14 déc (AFP) - La "journée ville morte" décrétée lundi au Gabon par des opposants pour protester contre l'élection présidentielle du 6 décembre, a été faiblement suivie à Libreville, mais a plus mobilisé à Port Gentil, un des fiefs de l'opposition, selon les informations recueillies par l'AFP. Le Haut conseil de la résistance (HCR, coalition de cinq partis d'opposition), dont le candidat Pierre Mamboundou était arrivé second à cette élection avec 16,54% des voix, avait lancé samedi ce mot d'ordre avec d'autres petites formations politiques pour protester contre le "coup d'Etat électoral" du candidat sortant Omar Bongo.

Ce dernier a été réélu dès le 1er tour avec 66,88% des suffrages, selon les résultats proclamés samedi par la Cour constitutionnelle "sous réserve de contentieux électoral". Dans la capitale gabonaise, placée sous haute surveillance de l'armée, seule la circulation était plus fluide que d'habitude en raison de la rareté des taxis. Nombre de chauffeurs, craignant d'être pris à partie par d'éventuels manifestants, avaient préféré laisser leur véhicule en stationnement, malgré les consignes des forces de l'ordre de les obliger à circuler. Si plusieurs petits commerces, tenus principalement par des Libanais et des Ouest-africains, sont restés fermés, la plupart des administrations et des magasins du centre ville fonctionnaient quasi-normalement à quelques jours des fêtes de Noël.

Quelques légers incidents ont toutefois émaillé la matinée dans certains quartiers acquis à l'opposition, des petits groupes de
jeunes jetant des pierres sur des véhicules en circulation avant de se disperser aussitôt, a-t-on appris de diverses sources. Dans la seconde ville du pays Port Gentil (ouest), capitale de l'Ogooué maritime où Pierre Mamboundou était arrivé en tête avec 48% devant Omar Bongo (41%), le mot d'ordre du HCR a été beaucoup plus suivi. De nombreux commerces n'ont pas ouvert, les administrations ont fonctionné au ralenti et la circulation est restée faible tout au long de la journée, ont indiqué des habitants de la capitale pétrolière joints par téléphone. Ceux-ci ont cependant précisé que "la situation est restée très calme".

De son coté, le président du HCR, interrogé par l'AFP, s'est félicité de la "réussite" de son appel suivi, a-t-il affirmé, à 60% dans l'ensemble du pays et à 100% à Port Gentil "où l'activité a été totalement paralysée". Les établissements primaires et secondaires du pays, fermés depuis le vendredi 4 décembre en raison de la présidentielle, sont restés fermés lundi. Mais, selon le ministère de l'Education, c'est pour permettre "la reprise des équipes administratives" avant leur réouverture mardi. Le gouvernement a quant à lui a dénoncé, par la voix de son porte-parole André Mba Ombame, "l'attitude de M. Mamboundou
qui se met délibéremment dans l'illégalité en appelant les citoyens à poser des actes pouvant entraîner des désordres publics".

Le ministre de l'Intérieur Antoine Mboumbou Miyakou avait pour sa part demandé lundi matin à "l'ensemble des travailleurs
gabonais et aux divers commerçants de considérer cette journée ouvrable" et affirmé que "les forces de sécurité veilleront et
assureront la sécurité de tout le monde". "Les contrevenants seront appréhendés et traités conformément à la loi", avait-il insisté. Si l'échec de cette "journée ville morte" semblait évident lundi en fin d'après-midi aux yeux des observateurs, le candidat malheureux Pierre Mamboundou ne compte pas en rester là. Il a prévenu que cette journée serait "la première étape d'une riposte graduée au second coup d'Etat électoral perpétré par le PDG" (Parti démocratique gabonais, au pouvoir).

En 1993, M. Bongo avait été également élu avec 51% des voix lors d'un premier tour dont les résultats avaient déjà été contestés par l'opposition, rappelle-t-on.

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Gabon court proclaims Bongo winner, protest Monday
By Antoine Lawson (Reuters)

LIBREVILLE, Dec 13 - Gabon's constitutional court has proclaimed veteran President Omar Bongo winner of a December 6 presidential election, subject to any formal protest that may be lodged. But Bongo's main rival, Pierre Mamboundou, has accused the government of massive fraud and has called a nationwide "stay-at-home" protest for Monday. Constitutional Court President Marie-Madeleine Mborantsouo, ratified Bongo's first-round victory on Saturday, crediting him with 66.88 percent of votes cast. She said that this ruling was "subject to challenges lodged with the constitutional court".

Mamboundou, credited with 16.50 percent of votes cast, has made clear he plans to challenge the result both politically and through the oil-producing Central African nation's courts. "The multiple violations of the law, results programmed in advance, the swelling of the electorate, lead us to demand the annulment, pure and simple, of a poll which, when all is said and done, was organised to conceal massive and wide-ranging fraud," he told a Saturday news conference. Mamboundou, 52 and leader of the Union of the Gabonese People (UPG), was one of eight candidates who contested the election in the former French colony. He stood for the High Council of the Resistance (HCR) alliance. Veteran opposition leader Pierre M'Ba Abessole, who led a movement that forced Bongo to embrace multi-party politics in 1990, finished third with 13.16 percent of votes.

Abessole's rival within the divided National Woodcutters Rally (RNB), Pierre-Andre Kombila, won 1.53 percent of votes cast. The remainder won under one percent. Bongo, 63, has been in power since 1967 when he took over after President Leon M'Ba died. He is black Africa's second longest-serving head of state after Gnassingbe Eyadema of Togo. He won a turbulent 1993 presidential poll. Denouncing Bongo's victory on December 6 as a "second electoral coup d'etat" by the ruling Gabonese Democratic Party (PDG) and its allies, Mamboundou called a stay-at-home, or "dead town" protest as it is known locally, for Monday. "To achieve this, we ask shopkeepers and civil servants to close shops and remain at home," he said, describing the protest as "the first stage of a graduated response".

The Woodcutters, traditionally the main opposition, have yet to comment on the call. Government officials denounced the move. "The government is astounded at the step taken by the candidate Pierre Mamboundou who, on one hand, has decided to lodge a complaint with the constitutional court, and, on the other, has called for acts that threaten public order," the government spokesman
and minister in charge of relations with the institutions, Andre M'Ba Obame, said. Polling was generally peaceful on December 6 and the capital Libreville has been calm since then -- in contrast to 1993.  Bongo's supporters dismiss widespread opposition cries of fraud and say any problems were organisational.

Foreign observers have so far pointed to organisational problems but have stopped short of putting the result in doubt. According to official figures, just under 54 percent of the electorate voted.

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Election piégée au Gabon

(L'Humanité, 09 Décembre 98)-Inscriptions pirates, clôture des listes avant la date légale, Conseil constitutionnel aux ordres... Tout laisse craindre une fraude institutionnalisée. Avec une nouvelle fois la bénédiction d'un réseau élyséen. Les premiers résultats officieux diffusés par les radios privées et nationale gabonaises laissaient planer le doute sur une seule question: le président sortant Omar Bongo sera-t-il ou non déclaré réélu dès le premier tour de dimanche dernier? 'On' laissait entendre que, dans plusieurs bureaux de deux des six arrondissements de la capitale (où sont enregistrés près de 40% des 595.000 électeurs inscrits dans le pays), il atteindrait la barre des 60% de suffrages exprimés. En fait, tout indique que d'aucuns se préoccupent de planter le décor pour une réédition de la pantalonnade électorale de 1993, consultation qui s'était déroulée sous le signe d'une fraude telle qu'elle avait été suivie de manifestations et d'une violente répression policière à Libreville.

Considéré comme l'un des principaux concurrents de Bongo, Pierre Manboudou, président du HCR (Haut Conseil de la Résistance, regroupant cinq partis d'opposition), avait par avance dénoncé la mascarade. Exemples tirés de sa conférence de presse téléphonique par satellite organisé le 1er décembre depuis Libreville (la sortie du pays ayant été interdite aux personnalités de l'opposition, tandis que l'entrée se voyait refusée aux étrangers jugés personna non grata).

'La loi électorale dit que les listes doivent être closes seulement un mois avant le scrutin. Mais ces listes ont été closes avant le délai prévu', informait Pierre Manboudou, signalant également que 'l'administration et, surtout, les dignitaires du pouvoir ont mis en place un réseau d'inscriptions pirates. Quelqu'un qui vient avec des photos se verra établir douze cartes d'électeurs avec douze noms différents. Une gigantesque fraude organisée par un certain nombre de dignitaires du pouvoir, dont le directeur national de campagne du candidat Omar Bongo, qui est ministre d'Etat.' Une question sans réponse: 'La progression arithmétique de la population est de l'ordre de 2,5% par an, ce qui nous a amenés de 502.000 à 503.000 électeurs pour l'année 1998. Le ministère de l'Intérieur affiche 595.000 électeurs, soit 92.000 électeurs de plus.' D'où sortent-ils?

En théorie, le dernier mot reviendra à la Cour constitutionnelle pour garantir la transparence du résultat, mais, observe Pierre Manboudou, 'les relations personnelles de la présidente de la Cour constitutionnelle avec le pouvoir font qu'on ne peut pas espérer un contentieux électoral qui soit réglé en toute justice. Nous avons observé que des conseillers à la Cour constitutionnelle sont dans la caravane du candidat Omar Bongo et font campagne pour Omar Bongo! Je dois dire: font campagne ostensiblement (...). Les conseillers sont en collusion parfaite avec le pouvoir.'

De son côté, le journal 'le Monde' en date d'aujourd'hui souligne que des magistrats et avocats français chargés de surveiller le bon déroulement du scrutin agiraient en liaison étroite avec la présidence gabonaise. Leur déplacement aurait été coordonné par l'avocat parisien Robert Bourgi, conseiller officieux de l'Elysée pour les affaires africaines et délégué national auprès de Jacques Toubon chargé de l'animation des antennes africaines du Club 89. Citons à nouveau Pierre Manboudou: 'Je voudrais attirer l'attention des autorités françaises: la France, dans ce pays, est premier fournisseur et premier client. Nous ne voulons pas de l'opération pompiers, qui consiste à venir éteindre le feu; nous avons régulièrement attiré l'attention sur le fait qu'il vaut mieux ne pas déclencher le feu'...

JEAN CHATAIN.


Gabon : des réseaux élyséens au secours d'Omar Bongo (Le Monde, 9 décembre 1998)

Selon une enquête du Monde, les observateurs chargés de surveiller le bon déroulement des élections présidentielles qui ont eu lieu dimanche 6 décembre au Gabon ne présentaient pas toutes les garanties d'impartalité. Plusieurs d'entre eux, regroupés au sein de l'association internationale pour la démocratie (AID) présidée par le magistrat français Georges Fenech, par ailleurs président de l'association professionnelle des magistrats (APM), ont effectué leur mission en liaison étroite avec la présidence du Gabon. L'avocat parisien Robert Bourgi, conseiller officieux de l'Elysée pour les affaires africaines et délégué national auprès de Jacques Toubon chargé de l'animation des antennes africaines du Club 89, avait organisé le déplacement de ces observateurs, parmi lesquels plusieurs magistrats de l'APM et Me Francis Spizner.

Droits de reproduction et de diffusion réservés; © Le Monde 1998


Les autorités gabonaises ont financé les observateurs électoraux

LIBREVILLE de notre envoyé spécial Thomas Sotinel (Le Monde du 9 décembre 1998)

En 1993, lors de la première élection pluraliste qu'ait connue le Gabon, Omar Bongo avait été élu de justesse au premier tour, avec 50,03 % des suffrages. Cette victoire peu transparente et à l'arraché manquait de légitimité. Au point qu'il avait fallu plusieurs jours d'émeutes et un an de négociations pour que le Gabon retrouve un semblant de paix civile. Pour la présidentielle du dimanche 6 décembre, le président Bongo, depuis trente et un ans au pouvoir, n'a rien laissé au hasard. Ni sa victoire, ni sa légitimité. Lors des précédents scrutins – les élections locales et législatives de 1996 –, la confection des listes électorales avait été confiée à la Commission nationale électorale, un organisme où sont représentées majorité et opposition. Cette fois, c'est le ministère de l'intérieur qui s'est chargé de cette tâche. Avec des résultats spectaculaires en un an, le corps électoral a gagné 100 000 membres, passant à 595 000, un chiffre élevé pour un pays qui ne compte pas plus d'un million de nationaux.

A l'inflation du nombre d'électeurs a correspondu celle des bureaux de vote, installés parfois très loin des quartiers qu'ils étaient censés desservir. Du coup, au soir de la présidentielle, on comptait parfois quatre votants – les membres du bureau – sur 500 inscrits. Ces anomalies ont fait grimper un taux d'abstension de toute façon particulièrement élevé. Avant même le scrutin, le découragement des partisans de l'opposition était visible, provoqué aussi bien par la jungle administrative entourant la préparation du vote que par l'intensité de la campagne du président-candidat. Celui-ci a dépensé des milliards de francs CFA (un FCFA vaut un centime) pour effectuer, en hélicoptère, le tour du pays. Il a en outre disposé d'un net avantage dans les médias. Dès le mois d'octobre, le déséquilibre était assez important pour qu'une organisation américaine, la Fondation internationale pour les systèmes électoraux, avertisse que la sincérité du scrutin serait remise en cause si des mesures énergiques n'étaient pas prises. Dans la foulée, la fondation Carter, qui devait envoyer des observateurs au Gabon le 6 décembre, se désistait.

"IMPERFECTIONS"

Mais le régime gabonais avait besoin d'observateurs pour éviter les remises en cause qui ont suivi l'élection de 1993. Il en a donc trouvé environ 200. A quelques exceptions près (dont un groupe togolais subventionné par les Etats-Unis), ces organisations ont été prises en charge par l'Etat gabonais. La principale d'entre elles est le Gerddes Afrique (Groupe d'études et de recherches sur la démocratie et le développement économique et social) dirigé par l'avocat béninois Alao Sadikou Ayo. Lundi 7 décembre, le Gerddes, qui coordonnait la quasi totalité des observateurs, a estimé que les « imperfections » recensées « n'avaient pas entaché le scrutin ». Effectivement, les opérations de vote semblent avoir eu lieu dans le calme.

Mais les observateurs, dont certains, comme ceux de l'Association internationale pour la démocratie (AID), au cours de leur séjour de trois jours au Gabon, circulaient dans des véhicules immatriculés à la présidence de la République, n'ont bizarrement pas eu de « chance » aucun d'entre eux n'a vu de très jeunes gens votant avec des passeports flambant neufs pourtant émis en 1996 et dépourvus de tout visa. Selon M S,e Alao, cette affaire est du ressort de la justice. Quant à l'appartenance, qui n'est pas sans surprendre, de la présidence du Gerddes Gabon aux instances dirigeantes de l'ancien parti unique, le Parti démocratique gabonais (PDG), il estime qu'elle « n'a rien à voir avec l'observation ». A Libreville, on attend toujours les résultats. Les commissions électorales totalisent les votes, loin des regards des observateurs, dont beaucoup ont déjà quitté le Gabon.