Pensée et action politique du BDP-Gabon Nouveau


Bongo-Ntoutoume: la politique du bouc émissaire continue

9 avril 1999
BDP-Gabon Nouveau

Lors de sa parade de Premier ministre à retardement faite à l'Assemblée Nationale Gabonaise le 11 mars dernier, l'on n'a point été surpris d'entendre, une fois de plus, Ntoutoume Emane se livrer, non pas au genre de mea culpa auquel on aurait pu s'attendre de la part d'un homme qui a la charge de diriger la politique gouvernementale de toute une nation, mais plutôt au discours bouc-émissariste habituel.

Rappelons-le nous: Ntoutoume Emane avait, le 25 mars dernier (AFP), rejeté la faute de l'échec économique du Gabon sur les bailleurs de fonds qui, selon le discours qui est aujourd'hui celui des bongoïstes, "nous étranglent" paradoxalement avec notre propre dette. Comme des enfants, les troupes bongoïstes passent leur temps à geindre et à fustiger le FMI et les autres, comme si la dette nous avait été imposée de l'extérieur. Ainsi, comme à leur habitude, la mémoire de Ntoutoume et de Bongo (le nouveau théoricien d'une vision du Gabon pour l'an 2000) semble souffrir d'une amnésie qui efface de leur esprit leur débauche de ces trente et une dernières années, années qui ont mis le Gabon sur les genoux, l'encombrant d'une dette qui n'a servi qu'à enrichir les Bongo et les Ntoutoume du Gabon, tandis que le reste du peuple s'enfonçait dans la mendicité miséreuse.

C'est dire que, le 11 mars, Ntoutoume Emane avait encore fait pire. Il avait tout simplement rejeté, comme au bon vieux temps, la faute de l'insécurité au Gabon sur les étrangers qui immigrent chez nous. Ce qui est malgré tout inacceptable dans ce type de discours xénophobistes c'est le genre de langue de bois qui s'en dégage. Où a donc vécu Monsieur Ntoutoume toutes ces années? Sur Mars?

Ntoutoume feint d'ignorer que:

1) nos frontières ont toujours été des passoires synonymes de portes ouvertes faute d'une politique de protection de l'intégrité territoriale du Gabon. Tout cela parce que Bongo a toujours eu peur de développer au Gabon un corps militaire national indépendant qui, si armé, serait si puissant qu'il pourrait, en cas de crise grave comme aujourd'hui, se retourner contre le régime pour assurer la continuité de l'état à un moment où l'état n'existe plus au Gabon.

2) c'est notre pays qui, faute d'une population active locale suffisante, avait lors du boom pétrolier fait appel à la main d'oeuvre étrangère pour aider au développement de notre pays. A cause du manque de vision du régime, il s'avère aujourd'hui que ce flux d'immigration n'a jamais pu être stoppé. Or, dans un contexte où les manquements du système Bongo n'ont jamais pu mener à la création d'un tissu économique national dans lequel les Gabonais joueraient un rôle prépondérant, le Gabon ne pourrait se passer aujourd'hui de ces étrangers qui peuplent notre pays. A cause de l'échec du système Bongo qui a conditionné le Gabonais à une oisiveté dépendante qui le confine uniquement à la recherche d'un poste dans un bureau climatisé, le Gabon ne peut même pas encore se passer du petit Malien qui vend du "pain beurré" à Venez Voir, encore moins du Libanais de Mont-Bouët.

3) ces étrangers qui viennent chez nous sont souvent très travailleurs et entreprenants. En fait, ces étrangers semblent savoir comment se faire de l'argent chez nous, alors que nous Gabonais souffretons parce que Bongo a créé chez nous une mentalité de fonctionnaires. Nous préférons souvent rester au chômage plutôt que d'aller cirer les chaussures à la Gare Routière. C'est ainsi que Bongo nous a éduqués. En fait, notre économie est tellement dépendante de ces étrangers qui contrôlent le commerce au Gabon que s'ils venaient tous à partir, la crise deviendrait intenable car notre faible tissu économico-financier national ne le supporterait pas. Il suffit pour cela de se rappeler des paralysies économiques causées par les grèves de taximens à Libreville. Ces pauvres bougres étrangers ne sont donc pas les seuls à blâmer pour l'insécurité chronique qui sévit chez nous. Les causes principales de cette insécurité sont à rechercher ailleurs.

4) ce sont en réalité les 20% de Gabonais actuellement au chômage qui forment le gros de la troupe des groupes qui créent de l'insécurité chez nous. Ntoutoume n'est tout de même pas ignorant des dures lois de l'économie! Quand au sein d'une société sévit le dénuement total et la misère, quand au sein d'une société comme la nôtre la population dans sa majorité vit en dessous du seuil de pauvreté, quand la vie devient précaire à cause du manque de santé publique et d'opportunités économiques, quand l'économie tourne au ralenti à cause du manque de vision de ceux qui sont supposés la conduire, quand la population se refuse à travailler et se décourage à cause d'une génération de leaders qui devraient être à la retraite, il s'installe nécessairement un immobilisme total qui confine la société à l'instinct primitif de survie. Cet instinct est celui qui ne reconnaît aucune loi communautaire. Seule compte la survie individuelle. Dans un tel contexte, la jungle s'installe et aucun état de droit ne peut y survivre, ni s'y imposer.

5) c'est Bongo qui, en allant épouser la fille de Sassou, ouvrit toutes grandes les portes du Gabon aux Congolais qui, parce que Bongo et Sassou ont installé la guerre chez eux, viennent chez nous rechercher la paix qu'ils n'ont plus chez eux.

6) en dernière analyse, l'insécurité au Gabon va de pair avec les échecs multidimentionnels du système Bongo, un système qui en a lui-même fourni les ingrédients.

7) la fameuse Sécurité Publique qui avait été créée à une certaine époque pour assurer la sécurité des personnes et des biens chez nous avait été suprimée par le régime sans justification aucune, précisément parce que ce régime n'aime pas faire du bien à une population qu'il préfère bestialisée.

8) c'est Bongo qui, à partir de 1989 lors du renouveau démocratique au Gabon avait secrètement financé des groupuscules de jeunes chômeurs à qui il confia la tâche de semer la panique au Gabon dans l'espoir que la population rejetterait la démocratie parce qu'elle la trouverait chaotique.

9) ce sont ces mêmes groupuscules financés et armés par Bongo qui empêchaient les opposants d'aller faire campagne dans le Haut-Ogooué, confirmant ainsi le manque d'esprit d'ouverture de Bongo, un homme prêt à tout pour rester au pouvoir.

10) ce sont ces groupuscules qui, délaissés par Bongo, un homme qui ne tint jamais les promesses qu'il leur fit, font aujourd'hui l'ordre et la loi au Gabon, au nez et à la barbe non seulement de policiers dépassés, mais aussi d'un régime qui, comme toujours, ne semble se réveiller que trop tard à chaque fois, pour ensuite se rendormir immédiatement une fois les gros discours prononcés.

Et l'on ose aujourd'hui rejeter la faute de tous nos problèmes sur les étrangers. Quel toupet! Voilà donc ce que l'on appelle incompétence. Le régime Bongo, en se dotant d'un homme de la carrure de Ntoutoume Emane, a cru pouvoir endormir le Gabonais avec les gros discours d'antan. Mais comme à son habitude, ce régime ne s'est pas encore rendu compte que les beaux discours n'impressionnent plus les Gabonais. Ce que l'on attendait de Ntoutoume Emane et de Bongo, ce ne sont pas de vagues professions de foi dont le philosophisme abstrait n'a aucun rapport avec les réalités gabonaises. L'on attendait que ce régime fasse le mea culpa de son échec, fasse le diagnostic de cet échec et affirme de manière forte sa volonté de changer, une volonté qui ne peut se manifester que par des propositions et des actions concrètes.

A cause de ce type d'incompétence chronique, l'on ne peut que prononcer un verdict d'échec total sur toute la ligne. Ce qui malgré tout reste troublant dans cette affaire c'est que cette navigation à vue du régime Bongo confirme une fois de plus ce que l'on dit depuis déjà presque dix ans; c'est qu'au Gabon, il n'y a plus d'état. Ce qu'il reste à la place c'est un régime qui, n'ayant plus rien de concret à proposer, végète et fait de la résistance contre son peuple. Aujourd'hui, cette résistance est non seulement suicidaire, elle est aussi l'expression d'un crime que Bongo est en train de commettre contre son propre peuple. Ce crime s'appelle "génocide". La différence entre le Rwanda et le Gabon est mince: au Rwanda, on s'entretuait à la machette, au Gabon, Bongo assassine le peuple à petit feu. Au bout, le résultat est le même: une population bestialisée vivant constamment au bord du suicide collectif. Le départ de Bongo du pouvoir est donc plus que jamais urgent si le Gabon veut encore pouvoir offrir à son peuple la dignité humaine qu'il mérite.

Eveillons-nous, Gabon!

BDP-Gabon Nouveau


Les sectes religieuses: autre symbole de la décadence du Gabon sous Bongo.

Par Dr. Daniel Mengara
Coordinateur, BDP-Gabon Nouveau
22 mars 1999

Dans une dépêche de l'AFP datée du 18 mars 1999, il est rapporté une inquiétude naissante du gouvernement gabonais quant à la prolifération des sectes religieuses dans plusieurs villes de notre pays. Comme le dit la dépêche, ces groupes religieux se sont développés en véritables industries charlatanes dont les visées monétaristes finissent d'enlever leurs derniers sous aux Gabonais déjà pauvres.

Cette "inquiétude" soudaine des autorités gabonaises est tout simplement hypocrite. D'abord parce que le problème des sectes n'est pas nouveau au Gabon—il existe depuis au moins 1988 suite aux crises économiques qui ont frappé le Gabon depuis 1986. Ensuite parce que le gouvernement Bongo, de manière typiquement bongolienne, semble toujours être surpris des choses qui se passent dans le pays, se réveillant uniquement à l'occasion des élections, comme si Bongo avait vécu sur la planète Mars pendant ces trente et une dernières années de débauche à la tête du pays.

Le plus grave encore c'est que, en se rendant enfin compte des dégats socio-économiques et socio-psychologiques que causent ces sectes aux Gabonais luttant péniblement pour leur survie, le gouvernement fait semblant de ne pas voir les causes réelles du succès malsain que rencontrent les sectes religieuses au Gabon.

Pour le gouvernement, le phénomène des sectes reste indépendant de l'atmosphère de déroute socio-économique généralisée qui subsiste dans le pays. Evidemment, tout le monde au Gabon et à l'étranger sait que ce sont là les déclarations irresponsables d'un régime qui a plus que jamais démissionné d'une gestion productive du pays et qui, dans ses dernières heures, achève de vider sans retenue les caisses d'un état désormais exangue et asphixié économiquement par trente et une années de corruption, de vol, d'incompétence et d'inhumanité.

Car ce que le système Bongo semble vouloir bannir de la réflexion et de son esprit incapable du remords patriotique, ce sont les effets psychologiques néfastes que peut entraîner l'extrême pauvreté chez l'être humain. De tous temps et de toute époque, lorsque l'horizon économique, social, culturel et politique d'un peuple est fermé, ce peuple se réfugie toujours dans des activités escapistes dont le but est de lui faire oublier les temps durs. Si dans certaines sociétés, ce sont les drogues qui servent de refuge aux pauvres, au Gabon, ce sont les sectes qui sont devenues les instruments de création d'un espoir illusoire chez nos concitoyens. Tout comme avec les drogues et l'alcool, dans lesquels les pauvres dépensent leurs derniers sous pour oublier, le temps d'une cuite, les malheurs insurmontables de leurs vies, le Gabonais pauvre n'hésitera point à sacrifier son argent dans l'espoir que lui fait miroiter la secte. Evidemment, ce Gabonais est tellement pauvre, tellement animalisé qu'il en perd le réflexe d'auto-défense qui aurait dû lui permettre d'éviter les arnaques de ces pasteurs venus de l'enfer. Malheureusement, le désespoir est trop grand et la pauvreté trop extrême pour que ce pauvre Gabonais puisse se dérober d'une inhumanité qui n'a plus de pitié pour son prochain.

Devant un état Bongo qui a démissioné face à ses responsabilités, le Gabonais n'a donc plus que la bière pour compagnon et la secte pour refuge.

Et le système Bongo d'oser rejeter la responsabilité de cette déchéance sur les sectes! Quel toupet! Ces sectes qui finissent d'appauvrir nos démunis sont l'émanation directe de l'échec du système Bongo. Un système qui s'est goulument vautré sur la richesse du Gabon, ne laissant au citoyen affamé que les miettes d'un repas de roi sur lequel Bongo et sa clique ont arrogamment festoyé pendant 31 ans. C'est que le système Bongo a, pendant trois décennie, vécu de l'illusion d'une richesse éternelle que lui faisait miroiter le pétrole. Il a ainsi "bouffé" sans penser aux lendemains, et encore moins à un peuple qui a continué à contempler de loin le luxe du palais de marbre, espérant un jour qu'une fois repu, Bongo pensera à leur jeter un os à croquer. Mais même l'os tant attendu n'est pas venu. Bongo a tout croqué jusqu'à la moelle. Goulument et rapacement.

Cela ne surprendra donc personne que certains aient vu en l'année 1990 le tournant négatif de notre pays vers plus de décadence. C'est que la survie surprise du système Bongo a eu un effet totalement avilissant sur la population gabonaise! 1990 avait représenté pour les Gabonais l'année de tous les espoirs, les espoirs d'un renouveau qui aurait dû venir avec le départ annoncé de Bongo. Malheureusement, la voracité du système Bongo et son envie de se maintenir aux rennes du pays avaient totalement tué cet espoir. Le découragement qui saisit alors les Gabonais s'accentua d'année en année et d'élection déçue en élection déçue. La secte devint donc pour nos pauvres la seule façon d'aller noyer ce désespoir qui non seulement avait enlevé son envie de travailler au Gabonais, mais le rendit aussi totalement amorphe dans sa confrontation avec des réalités qui dépassaient désormais son entendement.

Le développement exponentiel de sectes capitalistes au Gabon depuis 1988-1990 correspond donc de manière presque parfaite à la perte d'espoir exponentielle et continuelle des Gabonais dont l'horizon est resté bouché par la présence indéracinable du système Bongo. En d'autres termes, la présence continuelle de Bongo au pouvoir est devenue, à elle seule, la principale cause, non seulement du manque de motivation pour le travail au Gabon, mais aussi de l'instabilité psychologique qui est en train de frapper notre peuple. Rien d'étonnant donc à ce que ce peuple se jette, comme des brebis, dans les bras avides de douteux faiseurs de miracles et autres prophètes miraculeux. Le même phénomène est observé dans l'ancien Zaïre, et le fut aussi au sein de la communauté noire en Afrique du Sud au temps de l'Apartheid.

L'insupportable arrogance du gouvernement Bongo a donc désormais atteint des limites incommensurables. Pour Bongo et ses sbires, les problèmes du Gabon sont toujours dus aux bailleurs de fonds qui, selon eux, étranglent l'économie gabonaise (voir "les chances du Gabon pour l'an 2000", l'infâme livre de Bongo écrit pour lui par des Français); ces problèmes n'ont jamais rien à voir avec la gestion désastreuse de nos ressources par le système Bongo. Ce sont toujours de l'extérieur que viennent les problèmes. Jamais du dedans. De même, tandis que les sectes animalisent un peu plus notre peuple, Bongo se tait car il sait que ces pauvres qui vont dans les sectes iront y déposer leurs rancoeurs, devenant aussitôt des brebis inoffensives pour le pouvoir en place. Le système Bongo voit donc en ces sectes des alliées de taille car un peuple religieusement conditionné est toujours un peuple passif, qui laissera toujours à Dieu le soin de résoudre ses problèmes pour lui. Ainsi, tant que les sectes existeront au Gabon, le pouvoir de Bongo sera sauf car le peuple trouvera toujours en ces sectes le dépotoir de ses rages meurtrières. La religion est l'opium du peuple, a-t-on souvent entendu dire. Au Gabon, cette maxime désormais célèbre trouve sa plus flagrante confirmation.

Les aberrations du système Bongo ne s'arrêtent pas à ses complicités avec les sectes au Gabon. Bongo et ses alliés en dedans et en dehors du pays se sont également organisé pour finir le peu d'argent qui restait dans les poches des Gabonais. C'est ainsi qu'au cours de ces huit dernières années ont fleuri dans les villes gabonaises des centres de jeux, des casinos, des centres de loterie et de pari, où les Gabonais pauvres vont déverser leurs derniers sous à parier pour des courses de chevaux se déroulant en France, sans jamais rien gagner. Ainsi, au lieu d'offrir aux Gabonais le développement économique qu'ils attendent, Bongo leur apporte un peu plus de ruine, un peu plus de misère au travers d'établissements de jeux de hasard où sévit la fraude et où le pauvre citoyen ne gagne jamais rien. Ce que Bongo, comme au cours des dernières élections, sait proposer aux Gabonais se résume donc ainsi en un seul mot: ILLUSIONS. Bongo le jongleur, le prestigiditateur tout terrain est donc un vendeur d'illusions par excellence. Jamais du concret, rien que du pipot. Ah! Bongo...

L'utilisation des sectes comme boucs émissaires par le pouvoir est donc scandaleuse. Cette utilisation révèle la continuité d'une navigation à vue par le pouvoir Bongo qui, depuis 31 ans, ne sait toujours pas gérer un pays qui fut béni des dieux, mais qui dans les années qui viennent, risque de devenir le berceau d'une anarchie généralisée pour cause d'une pauvreté qui un jour finira bien par devenir tellement insupportable que ces Gabonais seront enfin prêts au suicide collectif qui leur fera décider du départ immédiat de Bongo par tous les moyens possibles. Seulement, il sera très difficile à notre pays, une fois engagé sur la pente de la déchéance économique et psychologique extrême, de retrouver totalement la sanité perdue. Il y a des effets et conditionnements qui tardent à disparaître. Et il y a des déséquilibres sociaux qui prennent du temps à se réajuster. Le "décuitage" risque donc d'être rude pour notre peuple une fois Bongo parti, si ce départ se fait selon les termes dictés par Bongo.

Bongo devra donc, dans tous les cas, porter un jour la responsabilité écrasante de cette animalisation de notre peuple. Parfois, même le peuple le plus passif, le plus amorphe finit par arriver au bout du rouleau. Parfois, même un tel peuple, tel un lion acculé, finit par se retourner contre son bourreau pour l'égorger d'un coup de griffe mortel. Puisque les appels au patriotisme ne suffisent pas à faire comprendre à Bongo que les temps ont changé et que la survie de notre pays passe forcément par son départ, peut-être sera-t-il trop tard pour lui quand ce peuple se décidera enfin à s'éveiller pour impitoyablement balayer un système qui n'a eu aucune pitié pour lui? Mais peut-être sera-t-il déjà trop tard pour notre pays opprimé?

Seul... Dieu nous le dira...

En attendant, nous au BDP ne pouvons dire que ceci: Eveillons-nous, Gabon!


Gabon: otage de la France ou otage de Bongo?

Dr. Daniel Mengara
BDP-Gabon Nouveau

25 février 1999

Le rôle joué par la France au Gabon a été incontestablement néfaste pour la population gabonaise. Depuis la mort prématurée de la Communauté française proposée par le Général de Gaule vers la fin des années cinquante, cette France, au lendemain des indépendances africaines, s'évertua de signer avec ses anciennes colonies des accords de coopération multiformes dont le but fut de permettre à la France de se constituer une chasse gardée qui allait lui permettre de préserver son statut de puissance mondiale.

Plus que tous les autres pays de la zone francophone, le Gabon resta le pays le plus soumis et le plus dépendant de la France à plusieurs niveaux. Cette soumission découle de plusieurs faits dont les plus importants se profilent au travers de l'histoire de notre pays.

Léon Mba était incontestablement un francophile assidu. Il admirait la nation française en ce qu'elle présentait comme étatisme, grandeur conquérante et intellectualité. Cette admiration avait cependant tardé à ce manifester ouvertement car, nationaliste à ses débuts, Léon Mba arborait des idéaux qui avaient posé problème à une France qui haïssait les nationalismes. La France dut donc l'exiler en Oubangui-Chari où Léon Mba parvint à se forger une image bien avenante. A son retour au Gabon, Léon Mba était un homme métamorphosé. Ainsi, quand la France offrit l'indépendance au Gabon, Léon Mba faillit d'abord la refuser car il estimait que les Gabonais n'étaient pas encore prêts à se diriger tout seuls. Cependant, Léon Mba fut forcé, d'une part par la France et d'autre part par les autres forces politiques du pays, à se rallier à la cause de l'indépendance. Ce désir soudain de la France de se débarrasser de ses colonies juste quelques années après avoir voulu les forcer dans l'engrenage de la Communauté français--qui, d'après Jacques Foccart, ne prévoyait les indépendances que vers 1965 ou 1966 selon le désir du Général de Gaulle--ne manqua point d'étonner l'observateur averti.

De fait, la France n'était point animée par un quelconque élan de générosité. Son but était tout simplement--à une époque où l'éveil indépendantiste des Africains se faisait plus pressant, où la France sortait affaiblie politiquement, économiquement et militairement de la seconde guerre mondiale, et où les guerres d'Algérie et du Vietnam l'avertissaient des dangers d'une colonisation prolongée en Afrique--d'éviter que ne se développât dans les colonies une instabilité révolutionnaire généralisée que seule l'indépendance immédiate pouvait aider à éviter. L'établissement de la Communauté française en 1958 fut donc, surprise, suivi deux ans plus tard par l'octroi empressé des indépendances aux pays sous la coupe française.

Cependant, l'indépendance pour la France ne voulait pas dire un départ définitif. Il lui fallait tout simplement déguiser ce départ à l'aide d'indépendances trompe-l'oeil précipitamment échaffaudées. N'ayant jamais associé les Africains à la gestion économique ou politique des territoires occupés (sauf au cours des quelques années qui ont précédé les indépendances grâce à la promulgation de la loi-cadre de 1956 par Gaston Deferre), la France savait que ces nouveaux pays indépendants auraient encore besoin d'elle. Les anciennes colonies françaises devinrent donc nominalement indépendantes, mais restèrent sous le contrôle d'une France qui avait pris le soin de faire signer une multitude de contrats de coopération qui assureraient la main-mise continuelle de la France sur ses anciennes possessions.

Le Gabon, plus que tout autre pays francophone, vint donc à symboliser le principe de la chasse gardée d'une France qui en resta totalement maître. Le Gabon devint donc, et l'est encore aujourd'hui, un territoire français de fait où rien ne se fait sans l'accord consentant de la France.

Cette domination continuelle du Gabon par la France peut surtout s'expliquer par la nature des deux seuls hommes qui ont dirigé le Gabon depuis 1960: Léon Mba et Omar Bongo.

La francophilie de Léon Mba, comme nous l'avons dit plus haut, explique en partie le respect et l'admiration qu'il avait pour la France. Cependant, c'est surtout après le coup d'état de 1964 que la France affirma véritablement et ouvertement son désir de ne point voir le nationalisme triompher au Gabon. Ce coup d'état de 1964, qui avait vu la France restaurer un Léon Mba déchu du pouvoir par les militaires gabonais, symbolisa aussi un nouveau facteur important dans l'histoire politique du Gabon: la France se posait désormais en faiseuse de présidents au Gabon. En termes plus clairs, ce que l'intervention militaire française de 1964 marqua, c'est le désir désormais dévoilé de la France de décider de qui allait diriger le Gabon et qui n'allait pas le diriger. A partir de 1964 donc, Léon Mba devint non plus le président choisi par les Gabonais, mais plutôt le président imposé par la France. A partir de ce moment également, la dépendance du Gabon s'accentua puisque son leader devait désormais sa présence à la tête du pays à une France qui, dorénavant, dirigeait presque directement le Gabon par le biais d'une marionnette.

L'arrivée de Bongo à la mort de Léon Mba en 1967 n'étonna donc guère personne. La France, sous le couvert d'élections et d'amendements constitutionnels truqués, livra tout simplement une autre marionnette aux Gabonais à qui l'on ne demanda même pas leur opinion. Ce qui, néanmoins, distingue Léon Mba de Bongo est que, avant le coup d'état de 1964, Léon Mba s'était au moins battu pour s'assurer non seulement une carrure politique nationale, mais avait aussi fait montre d'une expérience politique qui s'était construite au fil d'années de dur labeur politique. Bongo, quant à lui, arrivait au pouvoir comme par miracle. La France lui avait offert le Gabon sur un plateau d'argent. Il n'avait pas eu besoin de se battre politiquement pour conquérir le Gabon. L'on pouvait donc s'attendre à ce que Bongo devienne le docile serviteur d'une France à qui il devait tout. Tandis que Léon Mba restait malgré tout caractérisé par un certain nationalisme (il refusa maintes fois d'éliminer physiquement ou d'emprisonner Jean-Hilaire Obame, son opposant politique le plus farouche), Bongo ne recula devant rien pour asseoir son pouvoir. La dictature devint donc son crédo et la corruption son refrain. Dépendant de la France à tous les niveaux et manquant d'assise populaire, il ne dut son salut qu'aux bontés protectrices d'une France qui, en échange, se chargea de puiser à volonté dans le panier à richesses du Gabon.

Cependant, ceci dit, l'on aurait tort de rejeter sur la France toute la faute de l'échec du système Bongo. La France par nature est un pays capitaliste. Le capitalisme vise d'abord avant tout le profit et s'encombre peu d'humanités tant que ces humanités ne lui sont pas imposées par le contexte local. Il est donc de bonne guerre que la France exploite les richesses gabonaises dès lors que le leader gabonais le lui permet. Bongo n'ayant jamais eu de passé nationaliste et n'ayant jamais eu que son propre intérêt en tête (Chef de Cabinet de Léon Mba, il possédait déjà une villa grand luxe en France alors que Léon Mba lui-même n'en avait pas). Cette nature grandiloquente à la limite de l'extravagance montrait bien la différence entre lui et Léon Mba. Léon Mba, par nationalisme et intellectualité, s'intéressait plus au jeu politique qu'à l'argent. Bongo quand à lui, ne s'est intéressé au jeu politique que dans la mesure où ce jeu lui garantissait l'enrichissement personnel. Aujourd'hui, Bongo est le chef d'état africain avec le plus de propriétés immobilières en France. Cette soif de l'argent et du luxe extravagant ne pouvait donc animer en notre homme qu'une soif morbide du pouvoir. Non pas pour le travail bien fait—il s'en fout--, mais plutôt pour les honneurs et l'ivresse que donne la puissance dictatoriale qu'il s'est constituée au cours des années.

L'exploitation que la France fait donc du Gabon est de bonne guerre. Car il convient de ne point se voiler la face. Cela fait plutôt rire de voir Bongo, dans son dernier livre (qu'il n'a pas écrit bien sûr, puisque ce sont des Français qui l'ont écrit pour lui), accuser les bailleurs de fonds et les divers créanciers du Gabon d'être responsables de la débâcle économique du pays. Oubliées les folies bongoliennes du chemin de fer qui engouffra tout l'argent de notre pétrôle? Oublié le train de vie débridé de l'état Bongo au cours de ces dernières trente années où tout l'argent du Gabon a été dépensé à consolider un système qui ne bénéficie qu'aux heureux 2% de notre population? Oubliées les graves négligences qui releguèrent l'agriculture gabonaise au rang d'inutilité économique parce que Bongo s'était laissé illusionner par le dopage artificiel que les revenus pétroliers causaient à notre économie?

Oui, la France exploite le Gabon, mais ce n'est pas la France qui dit à Bongo de ne pas redistribuer le peu de richesse qui reste au Gabon une fois que la France s'est servie. Ce peu qui reste au Gabon demeure malgré tout ENORME dans la mesure où ce peu fait du Gabon le pays le plus riche d'Afrique noire avec un revenu par habitant nettement supérieur à tous les autres. Ainsi, le Gabon aurait pu être économiquement fort et bien géré même si la France avait continué à en tirer ce qui lui revenait par les contrats secrets signés avec Bongo.

Le mariage entre Bongo et la France demeure donc un mariage assez paradoxal. En promettant de se porter indéfiniment au secour de Bongo en cas de situation désespérée--comme la France l'a bien montré quand elle est venue plus d'une fois sauver le régime de Bongo dans les années 90 et après--la France a permis à Bongo de continuer ses abus au Gabon. Encouragé par cette solidarité, Bongo se croit tout permis. Il sait que tant que la France le soutiendra, le Gabon lui appartiendra.

Cette alliance entre dictateur corrompu et ancienne puissance coloniale en quête d'une nouvelle hégémonie mondialiste permet donc ainsi à Bongo de continuer à piller l'état gabonais et à la France de continuer à puiser dans ce qui reste des richesses gabonaises. La France choisit donc ainsi de s'allier à un homme et à un régime plutôt qu'au peuple gabonais. La France préfère s'exposer à la haine du Gabonais qui, à juste titre, l'accuse de soutenir militairement un régime moribond, plutôt que de s'allier à ce peuple qui ne demande qu'à gérer valablement la petite part de richesse qui lui revient et de faire du Gabon un pays où il fait bon vivre.

En fin de compte, les Gabonais se retrouvent écrasés entre l'enclume de la France et le marteau gabonais du régime Bongo. Le Gabon demeure donc l'otage de leur alliance morbide. La question que l'on peut cependant se poser est la suivante: en imposant Bongo aux Gabonais par le soutien militaire qu'elle lui apporte, la France sera-t-elle capable d'assumer les conséquences que pourrait entraîner une éventuelle guerre civile au Gabon? Il va sans dire que sans le soutien militaire de la France, le régime de Bongo serait tombé en 1990. Cependant, la France a préféré le maintenir, acculant ainsi le Gabonais à plus de misère sous un régime qui n'a fait que violer le Gabon par une irresponsabilité et une incompétence génocidaires. Cette France à la duplicité évidente a déjà raté son coup dans le Congo voisin. C'est à cause d'elle que le Congo Brazzaville est en feu aujourd'hui: elle a cru pouvoir ramener le dictateur Sassou N'guesso au pouvoir en toute impunité. Aujourd'hui, Brazzaville brûle sous le feu incessant d'armes fratricides dont la France est désormais incapable d'arrêter la tonitruance et la mortalité.

Le Gabon se doit-il de finir comme le Congo ou la France compte-t-elle se rendre compte un jour que se débarrasser de Bongo demeure en tout et pour tout le moindre mal? La France devrait aujourd'hui comprendre que les Gabonais préfèrent une France qui, certes, exploite le Gabon, mais laisse le soin aux Gabonais de décider librement des leaders qu'ils veulent mettre à la tête de leur pays; elle devrait comprendre que les Gabonais préfèrent une France qui les exploite, mais qui permet aux Gabonais de se doter de leaders capables de mieux gérer leur pays et d'ainsi assurer un minimum de prospérité aux citoyens avec le peu qui leur reste.

Tant que la France n'aura pas compris ce message, elle se concrétisera dans l'esprit des Gabonais comme l'un des bourreaux qui, avec Bongo, aura pris le Gabon en otage. Dans un tel contexte, toute perspective de libération de notre peuple emprisonné passe forcément par une violence patriotique qui s'attachera non seulement à déstabiliser Bongo, mais aussi à rejeter une France s'étant montrée trop inhumaine et trop insensible envers un peuple qui ne demandait qu'un minimium de coopération équitable. Dans ce contexte, les Gabonais devront-ils se tourner vers l'Amérique pour leur salut? Seul l'avenir le dira. Mais désormais, cet avenir, acculé dans sa misère insupportable, s'impatiente. Enfants de la patrie gabonaise, quand arrivera-t-il... votre jour de gloire?