Journaux Gabonais:  L'Union


Arrivée massive de réfugiés dans la Nyanga

09/07/1999, Jean-Blaise OYONO

Les nombreux fuyards, pour échapper à la guerre civile qui sévit dans leur pays ont marché pendant plusieurs jours à travers la forêt. Les ministres de l’Intérieur et de la Santé ont constaté sur place cet exode ininterrompu, mardi dernier, avec les chefs de la gendarmerie et de la police mais aussi les organismes internationaux.

DEPUIS quelque temps, des rumeurs persistantes et convergentes en provenance de Tchibanga font état d’une entrée massive de réfugiés congolais dans notre pays par le sud du Gabon. Lundi dernier, le ministre d’État, chargé de l’Intérieur, Antoine Mboumbou Miyakou, s’est rendu sur place pour vérifier ce qu’il en était exactement, et faire une évaluation de la situation réelle. À cet effet, le ministre d’État, qui est aussi le président de la Commission nationale des frontières, s’est fait accompagner des généraux Jean-Pierre Doumbenény, et Jean-Claude Labouba, respectivement, commandant en chef de la gendarmerie et de la police nationale. Et à toutes fins utiles, le ministre de la Santé publique, Faustin Boukoubi, a aussi fait partie du voyage. Tout comme s’y sont associés les représentants du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), Mme Lucienne Lembene, de la Croix Rouge locale, Mme Gabrielle Igoho, et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), M. Houenassou Houangbe Messan Tognide. Accueillie à sa descente d’avion à l’aéroport de Tchibanga par le gouverneur de la Nyanga, le général de police Guy-Charles Mandji, la délégation officielle a aussitôt été conviée à une édifiante séance de travail, organisée sous la forme d’une projection de documentaire. L’occasion pour les membres du gouvernement, les officiers généraux ainsi que le public présent, de se faire une idée claire du nombre incroyablement élevé de réfugiés congolais, et peut-être aussi de l’intensité du drame que ces derniers ont vécu ces jours-ci.

Le lendemain, le cortège ministériel a couvert les 130 km qui séparent le chef-lieu de la province des villages frontaliers de Moulengui-Binza, Rinanzala et Dilemba, et une dizaine d’autres environnants où se trouvent les plus importants centres d’accueil de réfugiés et que la délégation a visités. Fuyant la guerre civile qui déchire ce pays frère depuis plusieurs mois, des hommes, des femmes, des enfants, dont des nourrissons, ont réussi à traverser en masse la frontière congolo-gabonaise pour s’installer dans ces petits villages du Gabon, où les populations locales, en nombre réduit et vivant déjà elles-mêmes dans des conditions difficiles, n’ont pas hésité à leur accorder l’hospitalité. Compatissant, par exemple, à la douleur de cette jeune fille qui dit avoir reçu des éclats d’obus sur les jambes, et qui, toute ensanglantée, a dû être portée sur le dos par son père pendant deux ou trois jours, à travers la forêt dense, sans savoir où ils allaient, pour se retrouver finalement à Moulengui-Binza. D’autres fuyards sont arrivés à Rinanzala, à Dilemba et dans d’autres villages de cette zone frontalière. Lorsque les représentants des organismes humanitaires ont demandé à la foule d’enfants ayant perdu qui leurs pères, qui leurs mères de lever la main, on voyait plusieurs doigts se pointer timidement vers le ciel. Il faut dire que seuls ceux qui étaient en âge de comprendre la question y ont répondu, les plus jeunes, en toute insouciance, étaient plutôt admiratifs devant les nombreuses voitures, étant entendu qu’ils n’ont pas conscience de l’ampleur du drame qu’ils sont en train de vivre.

Et, pourtant, cette migration forcée n’épargne personne : de nombreux adolescents affirment avoir pendant deux ou trois jours, traversé la dense forêt équatoriale, poussés par le désespoir, sans alimentation, et parfois sans certitude d’arriver quelque part. D’autres encore disent avoir vu certains de leurs parents se noyer lors de la difficile traversée de cours d’eau. Selon les témoignages recueillis sur place, plusieurs femmes ont accouché pendant la traversée de la forêt et le groupe a dû abandonner les plus faibles des enfants, ou encore assister impuissant à la mort de ceux qui avaient contracté des maladies… Chacun racontait sa mésaventure et les témoignages étaient plus poignants les uns que les autres. Tous ces récits, mais aussi l’état physique des réfugiés à leur arrivée dans les villages, ont contribué à mettre en exergue la légendaire hospitalité des populations gabonaises qui n’ont pas hésité à accueillir ces familles à jamais perdues. Mais, le nombre des arrivants grossissant chaque jour davantage, le risque est désormais grand de voir cette hospitalité spontanée se muer en sacerdoce.

Structures insuffisantes

En fait, s’il est vrai que la vue de ces enfants arrivant tout épuisés ou de ces femmes enceintes marchant difficilement peut avoir influencé les habitants, et s’il est par ailleurs vrai que l’usage de langues communes constituent des raisons objectives de l’hospitalité des villageois envers les fuyards congolais, il est tout aussi vrai qu’au fil du temps les structures d’accueil vont se révéler insuffisantes… si elles ne le sont déjà. C’est ainsi que des problèmes d’alimentation commencent à apparaître : les plantations que les Gabonais entretiennent juste pour leur subsistance quotidienne ou bien l’élevage modeste qu’ils pratiquent depuis toujours ont de fortes chances de ne plus pouvoir nourrir tout ce monde. Même dans les villages les plus grands et les mieux organisés, de nombreux réfugiés sont toujours obligés de dormir à la belle étoile, faute de maisons et de lits. En somme, il est de plus en plus évident que les villageois gabonais risquent d’être très rapidement submergés par ce flot d’immigrés. Car, mardi dernier déjà, les autorités provinciales de la Nyanga estimaient à 800 le nombre des réfugiés qui sont récemment entrés au Gabon par cette frontière. Grossissant ainsi le nombre à peu près équivalent de ceux des leurs qui y sont déjà depuis le début de la guerre civile congolaise, en juin 1997.

Il y a donc urgence ici, pour ne pas dire péril en la demeure. Le peu de vivres rassemblés, dans un premier temps, par les opérateurs économiques implantés à Tchibanga et par les organisations internationales, ne suffira jamais pour subvenir aux besoins des réfugiés dont les représentants, qui ont présenté leurs doléances aux autorités gabonaises ainsi qu’aux organismes internationaux dans des discours pathétiques, n’ont pas manqué de rappeler que d’autres, moins rapides, arrivent. C’est en ayant à l’esprit cette probable et dramatique rupture de stocks à venir qu’ils ont supplié la communauté internationale de tout mettre en œuvre pour que la paix revienne au Congo. Ce à quoi s’attèle ces derniers temps, le chef de l’État de ce pays frère, M. Denis Sassou Nguesso, qui ne cesse de lancer des appels à la réconciliation nationale. Puisse le ciel faire en sorte qu’il soit entendu par les autres protagonistes du conflit.gendarmerie et de la police mais aussi les organismes internationaux.


«Une grande partie du chemin de fer a déjà été parcourue, il reste encore quelques étapes à franchir »

09/07/1999, Justelin NDEMEZ'O ESSONO

C’est l’affirmation, au cours d’une rencontre avec la presse, de M. Raymond Ndong Sima, patron du Transgabonais, nouveau concessionnaire du chemin de fer gabonais.

LA compagnie d’exploitation du chemin de fer Transgabonais (Le Transgabonais), nouveau concessionnaire du chemin de fer gabonais, A été, enfin, portée sur les fonts baptismaux. Son président-directeur général, Raymond Ndong Sima, a rencontré avant-hier au Méridien Re-Ndama, la presse pour faire le point sur l’état d’avancement de la mise en concession. «La présente rencontre se situe dans le cadre de la communication que nous avons désormais l’intention de promouvoir pour informer le plus largement possible le personnel actuel du chemin de fer et au-delà, le pays tout entier, sur l’avancement de ce processus et ses différents contours» a-t-il déclaré d’entrée de jeu. Très en verve, M. Ndong Sima indiquera par la suite qu’«une grande partie du chemin de fer a déjà été parcourue» mais qu’il «reste encore quelques étapes à franchir». Ainsi, s’agissant de la constitution de la société concessionnaire, il dira qu’une première société a été constituée par le groupement dénommé “société gabonaise d’investissement et de développement” (SGID) dont l’un des objets est la prise de participation (majoritaire) dans la compagnie d’exploitation du chemin de fer Transgabonais.

MANDAT

La SGID, agissant en qualité d’actionnaire de référence a créé, le 24 février dernier, la compagnie d’exploitation du chemin de fer Transgabonais (Le Transgabonais). Les premiers administrateurs, réunis en Conseil, ont donné mandat au président-directeur général de la société de négocier et de signer les conventions relatives à la concession ferroviaire. Le 25 février, le président-directeur général du Transgabonais a informé le ministre en charge de la Privatisation du respect de la première clause contractuelle et a exprimé son intérêt d’ouvrir les négociations relatives à la convention de concession. Parlant justement de la signature de cette convention, M. Ndong Sima soulignera que le texte avait déjà été paraphé lors de la remise des offres. Il y manquait cependant l’article 76 relatif au droit de substitution des prêteurs. La rédaction de cet article, poursuivra-t-il, a été finalisée début juin. Ce n’est donc que le 5 juillet dernier que la signature de la convention est intervenue, et ce en présence du chef de l’Etat, El Hadj Omar Bongo. «Elle marque une avancée significative dans ce dossier et permet désormais d’appeler le solde du capital non encore libéré». Abordant les étapes à venir, M. Ndong Sima dira qu’un décret approuvant la convention signée le 5 juillet dernier, confirmera la mise en concession du chemin de fer. Et que, conformément au calendrier contractuel, la libération du solde du capital doit intervenir 180 jours après la date d’adjudication. Cette dernière étant intervenue le 25 janvier 99, la libération du solde du capital est fixée au 24 juillet prochain. Toutefois, précisera-t-il, en raison du retard pris dans la signature de la convention, les actionnaires n’ont pas été sollicités dans les délais. Et de conclure qu’un léger retard pourrait donc être observé sur ce point.

FINALISER

Pour ce qui est de la mise en vigueur de la convention de concession, Raymond Ndong Sima indiquera que cette étape implique de finaliser, de manière contradictoire entre l’Etat et Le Transgabonais, les travaux fastidieux listés dans les annexes. A savoir: la description du réseau ferroviaire gabonais; la liste des contrats, autorisations ou permissions transférés au concessionnaire à l’entrée en vigueur de la concession; l’inventaire des biens de retour; le programme d’investissements minimum; la liste du personnel repris par le concessionnaire; la convention de mise en jeu de la garantie de bonne exécution consentie par le concessionnaire au bénéfice de l’Etat; l’inventaire des travaux de réhabilitation ou d’amélioration. «Depuis trois mois maintenant, les experts du concessionnaire travaillent activement à la préparation de ces annexes» confiera-t-il. Et d’ajouter «qu’ils ont reçu à cet effet les autorisations appropriées de la direction générale de l’OCTRA pour rencontrer les responsables des services de l’Office. La préparation contradictoire des annexes se poursuit donc normalement». Parlant de la signature de la convention avec Comilog, il notera que le 24 avril courant, cette compagnie a été sollicitée afin d’entamer les négociations préalables à la signature de la convention. Une séance de travail s’est tenue le 25 mai au cours de laquelle il a été convenu que le modèle de convention d’utilisation des infrastructures ferroviaires présenté dans le dossier d’appel d’offres serve de base de travail, à charge pour Comilog de présenter ses remarques et observations sur ce texte. En ce qui concerne le traitement du sureffectif, M. Ndong Sima a fait remarquer qu’il serait illusoire de nier l’existence d’un sureffectif à l’OCTRA. L’Etat s’est engagé dans son appel d’offres à transférer à la société concessionnaire 1700 agents au maximum. Soucieux de préserver l’emploi, Le Transgabonais s’est investi dans la recherche de solutions permettant de préserver un bassin de l’ordre de 2000 emplois dans des fonctions en relation avec les besoins des entreprises sous-traitantes constituées et à des niveaux de rémunération respectant les conventions collectives sectorielles. Pour ce faire, expliquera l’orateur, des experts en ressources humaines ont été mis à contribution pour identifier dans les personnels actuels ceux qui ont vocation à continuer à travailler directement dans l’exploitation de la voie ferrée et s’engager avec les autres dans la recherche de solutions alternatives.

SENSIBILISER

«La création d’une structure spécifique dénommée “Booster” vient d’être confiée à un cabinet spécialisé de la place. Sa vocation est précisément de couvrir l’ensemble des opérations de redéploiement des ressources humaines dans les activités périphériques» insistera-t-il. Avant d’expliquer qu’il est «logique que le choix des dirigeants et des cadres de l’entreprise soit effectué avant le début des activités de la société concessionnaire». «L’intention est de confier le choix de tous les dirigeants et des cadres à un jury composé d’experts principalement internationaux qui procéderont à l’évaluation de tous les candidats à des fonctions dirigeantes et d’encadrement sur la base d’un dossier présenté par le cadre lui-même et d’un entretien au cours duquel il pourra défendre son dossier de candidature et son projet. Le jury pourra dès lors effectuer son choix en toute objectivité et sur une base qui garantisse l’équité».

«L’intérêt d’une telle démarche est de sensibiliser les cadres sur les changements des modes de fonctionnement dans la nouvelle société. C’est aussi de donner un signal fort aux agents de maîtrise et d’exécution qui pourront ainsi se prévaloir de la valeur exemplaire de l’encadrement pour apprécier la profondeur du changement» concluera-t-il. La constitution du chemin de fer gabonais a consacré l’aboutissement d’un projet qui a configuré durablement l’infrastructure économique de notre pays. Depuis sa mise en service, cet outil s’est trouvé confronté à des difficultés de fonctionnement que le gouvernement a décidé de surmonter en concédant son exploitation à une entreprise privée dénommée le consortium Le Transgabonais qui se présente comme suit : SNBG (43,1%), Transurb (11,6%), DEG (16,33%), Mobil (2,33%), Getma (2,33%), Thanry-CEB (8,17%), Lutexfo-Soforga (6,33%), SEB (5%), SEEF (2,33%) et GEB (2,33%). Les avantages attendus à la suite de cette mise en concession sont «indéniables».


Quelle politique touristique aujourd’hui ?

08/07/1999, Jean Christian KOMBILA

Même si le Premier ministre n’en a pas fait état le 11 mars dernier, lors de sa déclaration de politique générale, ce secteur, que l’on présente pourtant comme un “gisement inexploité” à même de supplanter le pétrole, est encore régi par des textes tombés en désuétude du fait de l’érection du département en ministère plein.

NOTRE département ministériel, malgré le contexte global dans lequel vit notre pays, reste réglementé jusqu’à ce jour par de vieux textes tombés en désuétude et qui datent de l’époque où ce secteur d’activité était sous la tutelle d’un secrétariat d’Etat », dixit un cadre de ce ministère ayant requis l’anonymat. Et, notre interlocuteur d’ajouter : « Ceci nous permet de mieux comprendre les raisons de l’insuffisance de moyens qui nous sont alloués afin qu’il sorte des profondeurs où il se situe dans l’économie nationale. » A la veille de la rencontre entre le ministre du Tourisme, de l’Environnement et de la Protection de la nature, Martin Fidèle Magnaga, et les opérateurs économiques, l’optimisme ne semble plus de saison dans un secteur que des privés s’emploient à redynamiser. Préoccupés par leurs conditions de travail, de nombreux agents mettent en relief l’inadéquation entre les professions de foi de certains dirigeants qui affirment que ce secteur est porteur d’avenir et l’enseigne à laquelle il est logé. D’où le pessimisme dont font montre de nombreux analystes, qui voient s’éloigner la perspective d’un essor du tourisme dans notre pays. Doté de potentialités touristiques remarquables ­ faune, flore, mer, lagunes, lacs, variétés culturelles… ­, notre pays se distingue plutôt, en la matière, par une absence de politique fiable. En dépit de l’organisation, lors de deux derniers exercices budgétaires, de journées de réflexion destinées à esquisser les contours d’un tourisme au service du développement.

Au moment où Martin Fidèle Magnaga réunit à nouveau les opérateurs économiques pour envisager ensemble les voies et moyens de doper le tourisme, des voix s’élèvent pour affirmer qu’avec une allocation avoisinant les cinq cents millions de FCFA, ce secteur demeure un parent pauvre de notre économie. En effet, pour de nombreux experts en la matière, outre les manquements traditionnels ­ précarité des voies de communication, inadéquation des structures administratives existantes, cherté et déficit des transports intérieurs et internationaux… ­, le manque de volonté politique reste le principal boulet de ce secteur. Car, soutiennent-ils, des idées novatrices existent. Et, en grand nombre. Du reste, lors de sa déclaration de politique générale, le 11 mars dernier, le Premier ministre, Jean-François Ntoutoume Emane, n’avait pas pris en compte ce secteur. Au point que le président du groupe parlementaire PDG, René Ndemezo’ Obiang, avait dû se résoudre à l’interpeller sur cette question. Pour les techniciens du tourisme, cette omission est révélatrice de l’attention qu’entend manifester le “gouvernement de combat” à l’endroit d’un secteur qui est toujours régi par des textes datant de l’époque où il relevait de l’autorité d’un secrétaire d’État : « Ces textes sont tombés en désuétude », a déploré un fonctionnaire parvenu au soir de sa carrière, avant d’ajouter qu’en dépit de la volonté du nouveau ministre de les adapter au contexte ambiant, rien n’a été fait dans cette direction au cours de la session parlementaire qui vient de s’achever. « Alors à quoi sert la possession de sites naturels si on n’y met pas les moyens », s’est-il interrogé. La question reste entière…


A la croisée des chemins

8 juil. 1999, Franck NDJIMBI

Les options prises par le cabinet Ntoutoume Émane ont déterminé l’adoption d’une loi des finances  faisant état d’une forte impasse budgétaire. AU commencement était la pratique du hors budget. Et, celle-ci était l’œuvre de nombreux ministres qui, loin de tout respect des priorités arrêtées par la loi des finances, décidaient d’exécuter des dépenses non prévues et de les reporter sur le budget de l’année suivante, au titre de la dette intérieure. Ce mode de faire a tant et si bien prévalu au sommet de l’administration que notre dette intérieure a atteint des proportions inquiétantes, hypothéquant ainsi la santé des entreprises nationales et partant, la vitalité de notre secteur productif. Face à cela et à la nécessité de s’acquitter de la dette extérieure, les gouvernements qui se sont succédé dans un passé récent ont pris le parti de confectionner, pour l’exercice courant, une loi des finances aux termes de laquelle une impasse de plus de neuf cents milliards de nos francs est de mise. Car, il s’agit avant tout de sensibiliser les institutions de Bretton Woods et les amener, au mieux, à accepter de rééchelonner la dette gabonaise et, au pire, à en financer le remboursement. Du moins, à en croire certaines indiscrétions de techniciens. Seulement, pour logique qu’elle soit, cette option n’en demeure pas moins suicidaire pour l’avenir car, notre budget actuel accuse un déficit de… 168%. Or, les critères de convergence établis par l’Union européenne font obligation à tous les États membres de ne point laisser filer leurs déficits au-delà de 3%. Et, étant entendu que notre monnaie, le franc CFA, est couvert par l’euro à travers une garantie budgétaire assurée par le Trésor public français, il aurait été plus judicieux, dans la perspective de l’avènement de la monnaie unique européenne, que nous nous efforcions de respecter ce critère-là. En effet, même si le poids de notre économie semble infinitésimal à côté de celui de l’Union européenne, il n’en demeure pas moins qu’en laissant s’aggraver les déficits, l’on s’expose à des mesures de rétorsion. Car, cette réalité pourrait, à terme, servir d’argument aux tenants d’une seconde dévaluation du franc CFA. Dès lors, il apparaît clairement que les choix gouvernementaux procèdent d’une vision à court terme.

REMBOURSEMENT DE LA DETTE INTÉRIEURE

Et pourtant, d’autres pistes de réflexion auraient pu être exploitées. Entre autres, celles basées sur la refonte fiscale et la dette intérieure. Car, la loi de finances rectificative indique clairement que les recettes fiscales sont, chez nous, quasi nulles. Or, partout dans le monde, celles-ci constituent le gros des recettes publiques. De ce fait, le gouvernement aurait, d’ores et déjà, pu impulser une politique de rigueur fiscale, quitte à diligenter des redressements auprès des entreprises, étant entendu qu’afin d’éviter la faillite de celles-ci, un échéancier aurait systématiquement pu être négocié. En outre, au lieu de faire du saupoudrage en réservant des crédits insignifiants à l’investissement ou de se livrer à une opération de basse police au niveau de l’administration, susceptible de créer plus de problèmes qu’elle n’en résout, le cabinet Ntoutoume Émane aurait pu prendre le pari de procéder d’abord au remboursement de la dette intérieure. Car, cela aurait eu le mérite de renflouer les trésoreries de nombreuses entreprises, relançant par là même l’investissement tout en augmentant la consommation et donc le produit intérieur brut (PIB). Pour sûr que le “gouvernement de combat” rétorquera qu’au regard du contexte, il a déterminé ses choix. Au nombre de ceux-ci, la diversification de notre économie. Mais peut-on être crédible en prétendant diversifier quand l’existant est au bord de la banqueroute ? En l’espèce, la santé financière de nos entreprises, l’exiguïté du marché national et le déficit en cadres rendent hypothétique toute diversification. Car, si l’on veut s’orienter vers l’industrialisation, comme a semblé l’indiquer le Premier ministre dans son discours-programme, nos entreprises se heurteront fatalement à l’exiguïté du marché national alors que, l’option des services exige que nous procédions préalablement à une formation de cadres de haut niveau. Ce qui nécessite au bas mot une génération, c’est-à-dire : trente ans. De ce point de vue, le “gouvernement de combat” se doit, dès à présent, de parer au plus pressé en mettant en œuvre un ensemble de mesures concrètes qui tiennent compte des structures existantes ainsi que des enjeux à venir. Et le reste suivra. A chaque jour suffit sa peine.


Pluralisme de l’audiovisuel : quelle responsabilité éditoriale des radios-télévisions publiques?

07/07/1999, Jean-Daniel FOTSO-EYI

Les délégués de 13 pays membres du Conseil international des radios-télévisions d’expression française (CIRTEF) planchent sur la question depuis hier au Novotel Rapontchombo, afin de produire des recommandations au gouvernement gabonais, vendredi prochain à la clôture.

LIBREVILLE abrite depuis hier au Novotel Rapontchombo, la troisième conférence du Conseil international des radios-télévisions d’expression française, après Madagascar et Bamako. Le thème de réflexion des assises de la capitale gabonaise est : “La responsabilité éditoriale des radios-télévisions publiques dans le contexte du pluralisme de l’audiovisuel”. Treize pays prennent part aux travaux de Libreville, qui permettront de réaliser une plateforme : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Congo-Brazzaville, RD Congo, Côte d’Ivoire, Guinée, Madagascar, Mali, Tchad, Togo et Gabon. La délégation nigériane était attendue hier soir. Ouvrant ces assises, M. Zéphirin Rayita, ministre délégué auprès du ministre d’Etat, ministre de la Communication, a relevé l’importance du thème choisi pour cette conférence. “Nous sommes tous conscients qu’il faut nous adapter aux enjeux actuels de compétitivité et de rentabilité”.

DES ÉCHANGES SUD-NORD

Le gouvernement gabonais, selon le ministre délégué, s’est employé depuis 1990 à libéraliser le paysage audioviduel et écrit, en favorisant la création d’une institution de régulation de la communication qu’est Conseil national de la communication (CNC). «Les impératifs démocratiques incitent aujourd’hui l’Etat, a déclaré M. Zéphirin Rayita, à une tutelle de moins en moins imposante de ses organes propres et à une supervision administrative de plus en plus furtive des organismes privés». «Cela suppose la mise en place de grandes entreprises publiques de radio et de télévision jouissant de l’autonomie de gestion, et la création d’un secteur spécialisé dans les technologies de la télédiffusion et de la maintenance des équipements», a-t-il encore indiqué. Avant de souhaiter voir chez nous un développement impératif des systèmes les plus performants, tel que le numérique, dans notre réseau d’images et de son, et l’incitation au développement d’Internet. Le ministre délégué a relevé d’autre part l’importance de la création et de l’établissement d’un réseau d’échanges Sud-Nord qui serait plus franc, en plus des échanges Sud-Sud. «Le défi du Nord appelle une réplique professionnelle de qualité et conséquente», a noté le ministre délégué.b A propos de la CIRTEF, M. Zéphirin Rayita n’a pas tari d’éloges à son endroit. Soulignant qu’il s’emploie déjà depuis bien des années en renforçant la coopération audiovisuelle. «Les nombreuses productions, les échanges de programmes, les stages de formation et les multiples actes de solidarité entre les membres sont à son actif», a reconnu l’intervenant.

PROBLÉMATIQUE DU DÉVELOPPEMENT

Il a, pour terminer, émis le vœu de voir s’approfondir notre coopération à travers la recherche de réponses structurelles aux préoccupations et défis que présente la problématique du développement audiovisuel mondial. Précédant le ministre délégué, MM. Jean-Claude Crépeau, Gérald Sapey et Gnonzié Ouattara, respectivement représentant de l’Agence de la Francophonie, mandataire de la Coopération Suisse au développement et président de la CIRTEF, ont tour à tour noté l’importance de la conférence de Libreville. Pour Gérald Sapey, l’atelier de la capitale gabonaise sera une réussite dans la mesure où il pourra s’entendre sur des directives pertinentes et que celles-ci seront lues et discutées dans les salles de rédaction. «Nous serions heureux aussi, si les travaux de Libreville et de Madagascar pouvaient être évoqués au prochain sommet de la Francophonie de Moncton (Canada) et au SEFOR, comme ce fut le cas pour les travaux de Bamako. Les assises d’hier ont été marquées par trois exposés, celui du Béninois Sébastien Agbota sur les “Résultats de deux premières conférences de Bamako et d’Antananarivo” ; celui du Canadien Robert Maltais sur “La presse et le pouvoir en Amérique” et du Burkinabé Serge-Théophile Balima à propos de “La déontologie des médias de service public en Afrique francophone”.