Dossiers et Opinions: Politique


Retour de boomerang à Washington

(LA LETTRE DU CONTINENT n°331 du 17/06/99)

Omar Bongo n'a pas digéré d'avoir été boudé par Bill Clinton, lors de sa visite aux Etats-Unis en avril (LC N°328). Dans un billet vengeur, le "Makaya" de L'Union du 3 juin s'en prend aux diplomates américains de Libreville, qui "exigent des mesures de sécurité exceptionnelles dans les pays de résidence sans se soucier des voisins du quartier", et au "shérif" à quatre étoiles de luxe, qui aurait tous les droits sous prétexte qu'il contrôle le Fonds manettaire (la manette à dollars) et la Banque mondiale-comme dirait l'épicier guinéen du coin". Ambiance de saloon...


THEODORE MBA ANDEME.

(LA LETTRE DU CONTINENT n°327 du 15/04/99)

Théodore Mba Andeme, alias Bibi, directeur de cabinet du premier ministre et fils aîné du premier conseiller du premier conseiller du RNB, Jules M'ba Békalé, est pressenti comme ambassadeur du Gabon à Washington. On savait que le pouvoir attendait la "retombée" de la crise sociale pour éloigner Bibi et, surtout, sa compagne Christiane Bitougat, présidente de l'Union des syndicats de l'administration publique. Accusée par les syndicalistes d'avoir joué le jeu du premier ministre, par l'intermédiaire de Bibi, Christiane Bitougat n'est en effet plus à la fête: elle reçoit quotidiennement des menaces de ses anciens "camarades" qui l'ont évincée de la direction du syndicat.


DEJA L'APRES-BONGO ?

(LA LETTRE DU CONTINENT n°327 du 15/04/99)

A Libreville, c'est comme si l'élection présidentielle n'avait pas eu lieu. Les barons préparent déjà l'après-Bongo... Fort de son "succès" auprès de l'USAP (Union des syndicats de l'administration publique) avec laquelle il a conclu une trêve sociale après cinq mois de conflit, le premier ministre Jean-François Ntoutoume Emane veut désormais exister sur le plan politique (voir également Théodore Mba Andeme, page 8). Misant sur l'écroulement du père Paul Mba Abessole (RNB), empêtré dans sa gestion municipale, Ntoutoume Emane (Fang de l'Estuaire) tente avec son ministre de l'Education nationale, André Mba Obame, Fang du nord et cousin du maire de Libreville, de constituer la grande famille Fang pour peser dans les structures politiques.

Deux autres ministres les ont - timidement - rejoints: Emmanuel Ondo Methogo et Pierre-Claver Zeng, tous deux originaires du nord. Dans l'Estuaire (Libreville), cette démarche ne rencontre pas l'assentiment des principaux dignitaires Fangs, tels que le richissime ancien ministre Henri Minko, l'actuel ministre du Plan Casimir Oyé Mba qui n'est pas prêt à accepter le leadership de l'actuel premier ministre, et, surtout, le "gentil" Paulin Obame Nguema qui ne décolère pas contre Ntoutoume Emane, qu'il soupçonne d'avoir court-circuité les négociations engagées par son gouvernement, en novembre dernier, avec les syndicats... Dans le Haut Ogooué, province présidentielle, où l'on s'attend de moins en moins à voir l'un des siens succéder au "parent" Bongo, les dauphins (Ali Bongo, Idriss Ngari ou Zacharie Myboto) se prennent à rêver d'alliances avec les leaders Nzébis ou Punus pour regrouper le sud face aux Fangs.

Mais le Haut Ogooué ne peut pas adopter de position commune, car il est divisé entre les militants Obambas proches de Jean-Pierre Lemboumba (toujours discrètement très actif) et des personnalités d'autres clans, restées dans le giron direct de Bongo. En revanche, c'est dans le sud du pays, notamment dans la province Punu de la Ngounié, que la bataille pour le leadership fait rage. Si, pour nombre d'observateurs, l'opposant Pierre Mamboundou, Punu de Ndendé (qui avait bénéficié de l'appui des Myénés de Port-Gentil à la présidentielle de décembre 1998), demeure le mieux placé, il ne faut cependant pas écarter le vice-président de la République, Didjob Divungi Di Ndinge, Punu de Mouila, qui tisse patiemment ses réseaux financiers, et surtout politiques dans l'entourage du chef de l'Etat..


Cent premiers jours sans "état de grâce" mais avec quelques résultats

LIBREVILLE, (4 mai 1999, AFP)  - Le nouveau gouvernement gabonais achève ses cent premiers jours dans une ambiance économique morose bien qu'il ait désamorcé un long conflit social et alors que l'opposition continue de digérer sa défaite à l'élection présidentielle de décembre dernier. Passées les libéralités de la campagne électorale, le pays savait qu'il allait devoir payer pour la mévente de ses produits, notamment du pétrole qui représente 70% de ses recettes budgétaires et du bois (10%), pour le remboursement d'une lourde dette de près de 1.900 milliards de FCFA (19 milliards FF pour un million d'habitants) et pour le train de vie d'une administration pléthorique. La sanction est tombée en avril avec la drastique réduction du budget 1999 de 40,25%, soit 547,4 milliards de FCFA contre les 916,2 mds FCFA prévus initialement. Cette mesure doit fatalement limiter l'action du gouvernement "inventif et de combat" formé par le Premier ministre Jean-François Ntoutoume Emane, à la demande du président Omar Bongo.

Malgré ce contexte défavorable, le gouvernement, constitué en janvier, a réussi à neutraliser en février une grève de l'Union des syndicats de la Fonction publique (USAP, majoritaire) qui durait depuis novembre et à reconduire en avril, pour deux nouveaux mois, la trêve sociale. Ce syndicat, proche de l'opposition et qui tenait un language très revendicatif avant l'élection, semble maintenant adopter une position plus pragmatique, demandant même que soit menée fermement la chasse aux fonctionnaires "fantômes" estimés selon lui à 10.000 sur 40.000. Le gouvernement vient de s'y attaquer en lançant un recensement des fonctionnaires, mais d'aucuns, y compris au journal gouvernemental L'Union, annoncent que "les vieilles habitudes ayant la peau dure, de puissants lobbies se sont mis en branle (...) et il ne serait donc guère étonnant de voir cette opération reléguée aux calendes... gabonaises".

Les privatisations, possible source de revenus recommandée par les institutions internationales, présentent de leur côté le risque de se transformer en "opération de braderie du patrimoine national ou pis en un retour au colonialisme déguisé", étant donnée "la faiblesse de l'épargne nationale", craint le même chroniqueur de L'Union. L'autre question lancinante est celle de la dette extérieure qui "absorbe annuellement 45% des crédits inscrits au budget de l'Etat" et qu'il faut "impérieusement" renégocier, estimait en mars M. Ntoutoume Emane. "Le FMI peut dès maintenant constater qu'il y a une nouvelle gestion budgétaire au Gabon et la volonté de mettre fin aux dérapages", déclarait-il à l'AFP. Le président Bongo, actuellement en tournée aux Etats-Unis, au Canada, puis en France, espère bien jouer de la position stratégique de son pays, îlot de paix dans une Afrique centrale en guerre, pour convaincre les bailleurs de fonds de revoir la situation du Gabon, classé "abusivement", selon Libreville, parmi les pays à revenu intermédiaire (PRI) et donc "écarté des mesures d'allègement de la dette" accordées aux autres pays africains.

Du côté de l'opposition, le gouvernement semble profiter également d'une trêve même si elle n'est pas voulue, estiment les observateurs. Deuxième à l'élection présidentielle, Pierre Mamboundou (16,5% contre 66,8% à M. Bongo), n'a pas renouvelé son discours depuis son refus des résultats du scrutin et reste handicapé par la faiblesse de son propre parti (Union du peuple gabonais) et du manque de cohésion de l'alliance, le Haut conseil de la résistance (HCR), qui l'a soutenu. De son côté, le président du 1er parti d'opposition, le Rassemblement national des bucherons (RNB), le père Paul Mba Abessole (13,1% à l'élection) semble toujours absorbé par sa fonction de maire de Libreville et n'est pas encore sorti, légalement parlant, de son divorce avec son ancien numéro deux, Pierre-André Kombila, ancien candidat à la présidence aussi. Devant ces résultats mitigés mais réels, la prudence reste de mise. "On y verra plus clair dans les prochains mois", déclarait le Premier ministre.

"Ntoutoume Emane, au-delà de toute démagogie, montre qu'il est possible de gouverner autrement le Gabon", notait lundi un journaliste de l'Union tandis qu'un de ses collègues prévenait que "les Gabonais sont toujours confrontés à des difficultés majeures et ne voient pas encore poindre à l'horizon les signes d'une réelle embellie".


UN MARIAGE QUI NE MANQUE PAS DE SEL (LA LETTRE DU CONTINENT n°326 du 01/04/99)

Pour le mariage, le 5 avril au Gabon, du neveu de Sassou II, Willy Nguesso, avec la fille de Jean-Pierre Lemboumba, l'ancien grand argentier gabonais, aujourd'hui en dissidence du Palais, tout le gotha congolo-gabonais devait se retrouver autour du président Bongo. Le sucre de la pièce montée risque parfois de craquer sous les dents…


ANTOINE YALANZELE (LA LETTRE DU CONTINENT n°326 du 01/04/99).

Le dernier remaniement du gouvernement au Gabon n'a pas fini de faire des mécontents. Dernier en date: Antoine Yalanzele. Puissant ministre délégué au Budget dans le gouvernement de Paulin Obame Nguema, il avait les faveurs du président Omar Bongo, qui lui confiait des missions en lieu et place de son ministre de tutelle, Marcel Doupamby Matoka. Il a été relégué au poste, ingrat et austère, de ministre délégué à l'Education, sous la forte autorité d'André Mba Obame, qui déclare partout être le principal ministre à avoir pu dénouer la crise scolaire qui secoue le pays depuis novembre 1998. Co-fondateur avec Jérôme Okinda, directeur du journal satirique "La Griffe", du PGCI, Antoine Yalanzele avait été chargé, lors des batailles électorales de l'année dernière, de ramener les militants de ce parti, dont le secrétaire général n'est autre que Jean-Pierre Lemboumba, dans le giron présidentiel. Avec des résultats mitigés, il faut bien le dire... Certains, notamment les barons pédégistes du Haut Ogooué, qui voyaient d'un très mauvais oeil sa montée en flèche dans la province présidentielle, n'hésitent plus à dire qu'il paie l'échec de son combat contre Jean-Pierre Lemboumba, lequel a maintenu le PGCI dans l'opposition. En tout cas, Antoine Yalanzele, qui envisageait de se présenter aux prochaines élections législatives à Franceville, sa ville natale, souhaite aujourd'hui repartir à la direction régionale de l'OMS, où il occupait les fonctions d'administrateur des budgets...


Ali Bongo dans les pas du papa ? (La Lettre du Continent n°324 du 04/03/99)

Un constitutionnaliste français a été chargé d'étudier une révision de la Constitution qui se rapprocherait du modèle ivoirien: en cas de vacance du pouvoir ou de troubles, une "gérance" serait assurée par un Conseil national de sécurité au sein duquel le ministre de la Défense - aujourd'hui Ali Bongo - aurait le premier rôle.

Ministrables (LA LETTRE DU CONTINENT n°324 du 04/03/99)

Parmi les cadres qui rongent leur frein en attendant que des caciques quittent le gouvernement pour leur laisser un fauteuil figurent: Jeanne-Thérèse Mboumba Rekoula, Anaclé Bissielo, Martin Louri (ancien DG de l'OPRAG et DGA d'Air Gabon), Claude Ayo Inguedha (DG de la BGD et ancien DG de la SNAT), Nzé Bekale (DG des Ciments du Gabon), Fabien Ovono Ngoua (DG du CREFOGA) Antoine Ngoua (DG de la SNI), Ngoyo Moussavou (directeur de L'Union), Isidore Djenno… Patience !


"Abandonner la politique? J’y ai songé, mais..."

Paul Mba Abessole: Président du Rassemblement national des bûcherons (RNB) et maire de Librevile.

Opposant historique à Omar Bongo et maire de Libreville, le père Paul Mba Abessole, avec 13 % des voix, n’est arrivé qu’en troisième position à l’élection présidentielle du 6 décembre, derrière le président Omar Bongo, mais aussi Pierre Mamboundou, le leader du Haut Conseil de la Résistance (HCR). Depuis le scrutin, il ne s’est pratiquement pas exprimé dans les médias, mais a fait une exception pour J.A.

Propos recueillis par MARC PERELMAN
Jeune Afrique du 16 au 22 février 1999

JEUNE AFRIQUE: Vous êtes resté très silencieux depuis l’élection du 6 décembre. Quelle réflexion vous inspire-t-elle aujourd’hui?

PAUL MBA ABESSOLE: Il n’y a pas eu d’élection au Gabon. J’avais dit sur tous les tons que le pouvoir était incapable d’organiser la consultation dans la transparence, mais personne ne m’a écouté... On ne peut pas demander à un enfant de sixième de résoudre une équation d’un niveau de terminale. Mais aujourd’hui, je ne veux plus en parler.

Qu’allez-vous faire désormais?

Ma priorité, c’est la mairie. Je vais tenter d’y faire tout ce qui pourra l’être, si on m’en laisse la possibilité. Après, on verra.

Pensez-vous être désormais en mesure d’accomplir pleinement votre travail de maire?

J’ai rencontré le président Bongo à deux reprises, au début du mois de janvier. Nous avons décidé, conformément à la loi, de transférer à la mairie les fonds provenant de la collecte des ordures ménagères, soit 3,3 millions de F CFA. J’ai également obtenu le départ du secrétariat général de la mairie de Chris Kombila, un membre du comité directeur du PDG (le parti au pouvoir), et son remplacement par Laurent Minko-Bengone, l’un de mes proches. Et nous allons avoir des policiers municipaux sous nos ordres.

L’élection passée, la cohabitation entre la mairie et le « palais du Bord de mer w sera-t-elle plus facile?

Que ce soit bien clair je n’ai rien demandé d’autre au pouvoir que d’appliquer la loi. Le budget de la mairie, je ne le réclame pas comme un cadeau, mais comme un droit, celui de percevoir les taxes qui nous sont dues.

Si on vous le proposait, accepteriez-vous d’entrer au gouvernement?

Depuis 1990, le RNB répète qu’il ne souhaite pas participer à un gouvernement d’union nationale.

Envisagez-vous de collaborer avec Pierre Mamboundou?

Arrivé deuxième à l’élection, il devient le leader de l’opposition. C’est donc à lui de tendre la main à l’honorable troisième que je suis. Je suis prêt à m’entendre avec tout le monde à partir du moment où il existe, disons, 60 % de points communs. À lui de voir...

La campagne a été plus calme que les précédentes. Craignez-vous néanmoins des troubles, dans les mois à venir?

Si la paix civile règne au Gabon. c’est grâce à l’opposition. Regardez ailleurs: ce sont les opposants qui ont pris les armes! Mais rappelez-vous en 1993, des incidents ont eu lieu plusieurs mois après le scrutin. J’espère que cela ne se reproduira pas.

Vos rapports avec Omar Bongo ont-Ils changé?

M. Bongo n’est pas mon ennemi, c’est un compatriote. Nous sommes dans le même bateau, et n’avons pas intérêt à faire le coup de poing. Quand nous nous rencontrons en tête à tête, ce que j’évite au maximum de faire pour que les gens n’aillent pas raconter n’importe quoi, l’entretien est toujours très courtois. Il me dit souvent: "Toi et moi, on est les modèles du pays. Nous sommes continuellement traînés dans la boue par la presse et nous ne portons jamais plainte contre personne. "Et c’est vrai : ce qu’on a écrit sur M. Bongo et sur moi est absolument inimaginable! Mais je maintiens que lui demander d’instaurer la démocratie et un État de droit, c’est lui demander l’impossible.

Avez-vous songé à vous retirer définitivement de la politique?

Vous savez, on dit que Mba Abessole est sur le déclin depuis 1989... Arrêter mon combat? Je l’ai envisagé. Mais je ne suis ni désabusé ni découragé. Il faut continuer la route.

Songez-vous à passer la main?

Quand je suis entré en politique, je n’avais pas l’intention d’y rester aussi longtemps. Quand on dirige un parti, on ne peut pas dire « je vais passer la main ", ce serait prendre le risque d’aiguiser des ambitions néfastes. Mais passer la main est une chose à laquelle tout être normalement constitué doit penser en permanence. Et, en effet, j’y pense. Si j’arrive un jour au pouvoir. ce sera bien. Mais si c’est quelqu’un qui se réclame de mon école de pensée qui y parvient, dans deux ou trois ans, tant mieux !