Dossiers et Opinions: France-Gabon-International


Roland Dumas au pays de l'or noir

Le grand déballage autour des commissions occultes, versées par la société pétrolière Elf, secoue la République française et met en lumière certaines pratiques de sa "politique étrangère". Roland Dumas, président du Conseil constitutionnel, ancien ministre des Affaires étrangères, est traqué par la justice.

Le groupe pétrolier Elf est devenu une torchère judiciaire quelque temps après la privatisation de la société, en 1994. Le 25 avril 1995, Philippe Jaffré, qui succédait à la tête du groupe à Loïc Le Floch-Prigent, déposait une plainte contre son prédécesseur. Aujourd'hui, Le Floch-Prigent en est à sa onzième mise en examen (inculpation). Il apparaît dans une série de dossiers (abus de bien sociaux, détournement de commissions...) tantôt se trouvant au centre, souvent apparaissant comme protagoniste d'une affaire connexe. De très nombreux noms ont été cités, certains ont connu ou connaissent la prison, d'autres sont dans la ligne de mire des juges Eva Joly et Laurence Vichnievsky. Roland Dumas, président du Conseil constitutionnel, ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand, apparaît maintenant comme le plus gros gibier traqué par les juges, qui ont déjà un impressionnant tableau de chasse. Roland Dumas déclare que c'est l'héritage du mitterrandisme que l'on attaque. Il n'a sans doute pas tort. Mais ni lui, ni même François Mitterrand ne sont les personnages principaux de cette histoire; c'est le groupe Elf, cet instrument de la politique extérieure de la France, qui se trouve au centre de cette forêt de dossiers.

Une banque très étrangère

En 1997, la société annonçait à ses actionnaires, pour la 4ème année consécutive, le meilleur résultat de son histoire. Pourtant, ses activités commerciales sont la vitrine d'activités plus confidentielles, si discrètes que le groupe lui-même ne les finance jamais. Il laisse ce soin à sa banque, la Fiba (Banque française intercontinentale). Cette banque brasse des millions de dollars avec un personnel très réduit. La Fiba est installée avenue George V, à Paris.

La Fiba ne possède que deux succursales à l'étranger, en Afrique pour être précis: l'une à Libreville au Gabon, l'autre à Brazzaville au Congo. La Fiba use communément des "transferts physiques" d'argent. Lorsque ni les valises, ni les malles d'argent liquide ne peuvent être utilisées, la banque use d'un compte luxembourgeois. Pour être précis, la Fiba est, depuis près de 30 ans, la banque du groupe Elf et celle du président Omar Bongo. Cette banque si particulière n'a jamais fait l'objet d'enquête des instances chargées du contrôle bancaire, ni de la justice, qui depuis 3 ans essayent de mettre en lumière les circuits financiers de Elf. C'est pour cela que l'instruction menée par les juges Vichnievsky et Joly apparaît comme la somme, un peu confuse, d'une série de mises en cause personnelles d'individus accusés de malversations, présentées comme autant de dérives individuelles, alors que la piste de l'argent de l'or noir ne peut être suivie et comprise que si l'on s'interroge sur les motivations réelles des mouvement de fonds. Ces raisons-là se confondent souvent avec la raison d'État. Si l'on évoque la Fiba, on s'aperçoit que son actionnariat se compose à 50,9% de Gabonais et que le groupe Elf ne détient que 42,5% des actions. Les Gabonais, qui détiennent donc la majorité des actions, sont en fait assez peu nombreux. Le président Omar Bongo en possède 15,19% , le reste étant entre les mains de trois de ses enfants, dont Pascaline Bongo, directrice du cabinet de son père et principale opératrice gabonaise de la Fiba.   Si "les Gabonais" paraissent majoritaires, une disposition particulière attribue un vote double aux administrateurs de Elf, qui contrôle donc effectivement la banque, comme l'État, malgré la privatisation du groupe, et continue à avoir un "droit de regard sur la société", conservant une partie du capital et ayant créé une action spécifique golden share mettant le groupe à l'abri de tout raid boursier.

La Fiba reste l'une des tirelires de l'État français, ayant financé depuis 30 ans la plupart des "opérations africaines", fait et défait de nombreux chefs d'État de l'Afrique francophone. Omar Bongo en était un des actionnaires tout désignés, ayant été porté très jeune au pouvoir par la France, alors qu'il était, sous le nom d'Alain-Bernard, un "honorable correspondant" du Sdece (Service de Documentation extérieure et de Contre-Espionnage) à Libreville et le conseiller très proche du vieux président M'Ba, ainsi que le raconte Pierre Péan dans son livre Affaires africaines.

Les avions renifleurs de Giscard

La Fiba devint également le bas de laine de la famille Bongo, des dirigeants congolais, des barons africains du pétrole français. La Fiba alimentait aussi les réseaux Foccart-Wybaux, le tandem de la politique souterraine française en Afrique. Eu égard à ces activités extraordinairement "diversifiées", le groupe Elf fit assez peu parler de lui en dehors de la rubrique économique. En 1981, le scandale dit "des avions renifleurs" secoua la société et la présidence de la République. Elf déclarait avoir été victime d'une énorme escroquerie de 6 milliards de FB, versés en Suisse, pour payer les brevets d'un procédé permettant à des avions, qui en seraient équipés, de détecter le pétrole au-dessus des zones qu'ils survoleraient. Valéry Giscard d'Estaing donna son accord.

Plus tard, Albin Chalandon, qui avait été nommé à la présidence de Elf, déclara avoir récupéré une partie de l'argent de cette escroquerie. Personne n'alla y voir de trop près, mais il se pourrait que les sommes "escroquées" aient servi à financer des opérations urgentes et discrètes, sans qu'on ait eu le temps de monter un plan financier écran. Le groupe Elf serait resté dans l'ombre propice au traitement des affaires délicates dont il s'occupe, si son PDG, Philippe Jaffré, n'avait porté plainte contre son prédécesseur Loïc Le Floch-Prigent. L'ancien patron de Elf était soupçonné d'avoir accordé des facilités financières à un industriel du textile, Maurice Bidermann, en échange d'avantages consentis à lui-même et à son épouse. Ce règlement de comptes, instruit par Eva Joly, déboucha sur une accumulation de dossiers concernant toutes sortes de malversations, secouant durement le groupe, éprouvant son crédit à l'étranger et braquant les projecteurs sur des opérations dont les différents gouvernements français eussent aimé qu'elles restassent dans l'ombre.

Si Le Floch-Prigent était un grand ami de Maurice Bidermann, ce n'était pas lui qui avait contraint son groupe à prendre des participations dans sa société. La Fiba, aux beaux jours de la flambée des cours du brut, était devenue la banque des sociétés de portefeuilles d'Elf Gabon, la CPIH et la Sofipa. Ce sont ces sociétés qui ont pris d'importantes participations dans le groupe Bidermann, jusqu'à ce que celui-ci connaisse des difficultés financières, un temps couvertes par Le Floch-Prigent. Le juge Eva Joly, d'origine norvégienne, rentrée sur le tard dans la magistrature, ayant un temps travaillé pour Philippe Jaffré, fut chargée du dossier en avril 1995. Depuis, elle tente d'ouvrir les placards secrets du groupe, essaye de suivre les escaliers dérobés et fait sortir de l'ombre une série de personnage pittoresques et inquiétants.

Dédé la sardine balance!

C'est Dédé la Sardine, André Guelfi, qui apparaît tout d'abord. Milliardaire, âgé de 79 ans, ayant fait fortune comme armateur de bateaux congélateurs, il est accusé d'avoir reçu des commissions injustifiées sur des contrats d'exploration d'Elf en Ouzbékistan et au Venezuela. André Guelfi, qui réside en Suisse, se rend contre toute attente à la convocation de la magistrate et "balance"! Il donne des détails sur les sommes versées auxquelles il n'a "prélevé que de quoi rémunérer ses intermédiaires" et donne des renseignements sur les comptes où se trouve l'argent. L'un d'eux, le compte "SA", appartient à André Sirven, le président de la société suisse Elf international. Sirven était le directeur des ressources humaines de Rhône-Poulenc, quand Le Floch en était président. Il l'a suivi à Elf, grâce à l'appui de Roland Dumas. C'est lui qui servit un salaire fictif de 300.000 FB à Christine Deviers-Joncour, une amie de Roland Dumas, et mit à sa disposition une carte de crédit sur laquelle elle tirait, en moyenne, 1 million 500.000 FB par mois. Dédé la Sardine avait également évoqué le compte Ta Colette, le prénom de la femme du titulaire André Napoléon Tarallo, le monsieur Afrique de Elf, président de Elf Gabon, et pièce centrale des réseaux Pasqua en Afrique. La mise en examen sous contrôle judiciaire d'André Tarallo ne l'empêche pas de se rendre encore régulièrement en Afrique et de circuler entre son domicile de Lausanne et sa maison de Bonifacio, construite pour la somme déclarée de 534 millions de FB. André Tarallo est Corse et camarade de promotion de Jacques Chirac à l'ENA.

Le Floch-Prigent avait essayé d'écarter Tarallo à son arrivée, sur les conseils de François Mitterrand, pour tarir les réseaux gaullistes en Afrique et couper doucement une des sources de financement du RPR. Philippe Jaffré, balladurien, avait également tenté de le faire démissionner de la présidence d'Elf Gabon. Il dut céder à la colère d'Omar Bongo qui déclara que, si cela arrivait, le remplaçant de Tarallo serait Gabonais. Tarallo a toujours été au service des intérêts bien compris de la France et de l'Afrique. Si bien que, lorsqu'on évoquait son remplacement, Omar Bongo au Gabon, Eduardo Dos Santos en Angola et Pascal Lissouba au Congo protestaient énergiquement. Lissouba n'a pas été récompensé de sa fidélité à Tarallo, il a été "remplacé" par Sassou-Nguesso encore plus dévoué aux intérêts de la compagnie pétrolière. Dès qu'Eva Joly s'est lancée sur une piste menant vers l'Afrique, elle a dû freiner devant le secret défense et la raison d'État. Roland Dumas s'est trouvé bêtement dans ses filets en raison de ses liens avec Christine Deviers-Joncours. Telle qu'elle apparaît, l'affaire est embrouillée et, en fait, incompréhensible si l'on s'en tient aux déclarations des uns et des autres.

Très chère collaboratrice: 270.000.000

Christine Deviers-Joncours a reçu une commission de 270 millions de FB de la part de Elf, pour avoir "favorisé" la vente de frégates à Taïwan. La juge Eva Joly a remarqué également des mouvements de fonds suspects sur le compte que Roland Dumas a ouvert dans une agence du Crédit Lyonnais, proche de son domicile. De très importants dépôts en argent liquide ont été opérés par deux femmes, dont une collaboratrice du cabinet d'avocats de Roland Dumas. Christine Deviers-Joncours déclare qu'elle a été rémunérée pour avoir fait du lobbying auprès de Roland Dumas dans cette affaire. Seulement voilà, jusqu'au bout Roland Dumas, ministre des Affaire étrangères, s'est opposé à cette vente qui mécontentait la Chine. Michel Rocard, Premier ministre, et Jean-Pierre Chevènement, ministre de la Défense, étaient pour; François Mitterrand trancha finalement en faveur de la vente. On voit mal dans ce cas de quoi Mme Deviers-Joncour aurait été récompensée et que vient faire Elf dans ce dossier dont la société Thomson était l'opérateur. Alfred Sirven, "chargé des affaires spéciales" de Elf, aurait "prêté" son intermédiaire dans la région à Thomson, un certain Kwan qui, lui, n'a pas été payé et réclame toujours son dû. Bref, le dossier est opaque et les juges d'instruction n'ont aucun moyen d'aller plus loin dans leurs investigations, elles se heurtent au secret défense et, si elles demandaient à Roland Dumas des comptes concernant la période où il était ministre, elles verraient le dossier leur échapper pour atterrir mollement sur la moquette de la Cour de Justice de la République, ancienne Haute Cour. La juge Eva Joly s'est vivement intéressée à un appartement que Christine Deviers-Joncour a acheté rue de Lille à Paris pour la somme de 105 millions de FB. Auparavant, cette très chère collaboratrice avait un appartement mis à sa disposition par Elf dans le VIIIème arrondissement de Paris, dans l'immeuble ou habitait Alfred Sirven.

Sirven conviait souvent, dans l'appartement de Mme Deviers-Joncour, Charles Pasqua et Roland Dumas. Les deux hommes appréciaient les qualités d'oenologue de Sirven. Elf, traditionnellement, animait la vie politique française en participant au financement des partis politiques, le RPR bien sûr (le parti gaulliste fut longtemps le principal bénéficiaire de la manne pétrolière), le Parti socialiste naturellement, la Parti républicain pour une moindre part. Elf avait également l'habitude de consentir directement "certaines facilités" à des hommes politiques de façon individuelle. Le Canard Enchaîné révèle que lorsque Le Floch-Prigent demanda s'il devait poursuivre cette tradition à François Mitterrand, celui-ci aurait répondu: "Continuez et veillez à ce que personne ne soit lésé. Pour les socialistes, voyez mon entourage". Jean-Christophe Mitterrand, le monsieur Afrique de l'Elysée, surnommé sur le continent noir "Papa m'a dit", était directement salarié du groupe Elf. Interrogé sur l'affaire Dumas, Michel Rocard, répondit: "Mitterrand aimait s'entourer de personnages à la limite". Ce que les socialistes considérèrent comme un propos déplacé était en fait une litote. La vraie question que pose ce déballage autour de Elf, qui ébranle la République et agace sérieusement certains chefs d'État africains, reste: pourquoi diable Philippe Jaffré, PDG de Elf, a-t-il porté plainte contre son prédécesseur, déclenchant ce séisme qui nuit gravement à son groupe?

Alain Van Der Eecken
Le Soir Illustré


Un projet de vaccin anti-paludéen au CIRMF?

(LA LETTRE DU CONTINENT n°331 du 17/06/99)

Jusqu'à présent financé sur la PID (Provision d'investissements diversifiés) d'Elf Gabon, le CIRMF (Centre international de recherches médicales de Franceville) est au pain sec. Ce centre est pourtant utilisé par l'Institut Pasteur pour ses recherches sur le sida (les chimpanzés cobayes de Franceville en savent quelque chose...) et par Sanofi pour la mise au point d'un vaccin anti-paludéen. Mais Elf ne veut plus payer... Les Gabonais ont proposé de faire rentrer dans le CIRMF des laboratoires "étrangers" (autres que français !). Elf et Sanofi refusent, craignant que ces labos viennent piquer leurs protocoles...


De nouvelles révélations dans le dossier Elf Aquitaine

L'ex-épouse de M. Le Floch-Prigent admet avoir perçu 18 millions de francs en Suisse

Mis à jour le vendredi 21 mai 1999

Alors qu'à Genève les recherches se poursuivent sur les destinataires des nombreux versements effectués en Suisse par l'ancien directeur des « affaires générales » d'Elf Aquitaine, Alfred Sirven, les juges d'instruction parisiennes Eva Joly et Laurence Vichnievsky ont reçu, le 13 avril, le témoignage de l'ancienne épouse de Loïk Le Floch-Prigent - alors PDG du groupe pétrolier -, qui compte parmi les bénéficiaires de ces mouvements de fonds. Mise en examen depuis 1996, Fatima Belaid a reconnu avoir perçu, la même année, 18 millions de francs sur un compte helvétique, destinés selon elle au « règlement de son divorce » avec M. Le Floch-Prigent. « A part des petits retraits, je n'ai pas touché au capital », a-t-elle ajouté, précisant que les fonds avaient été placés sous couvert d'une fondation à Zurich.

« Cela faisait quelques temps que je voulais venir vous parler spontanément, mais il y avait des raisons pour que je me taise jusqu'alors », a-t-elle déclaré aux juges, sans être questionnée sur ces « raisons ». Négocié avec les magistrates, l'interrogatoire de l'ex-épouse du PDG d'Elf apparaît surtout comme la conséquence de la découverte de ce compte par le juge Paul Perraudin, chargé du versant helvétique de l'affaire Elf. Depuis plusieurs mois, ce dernier avait identifié le circuit bancaire ainsi que la fondation qui abritait ces sommes. La saisie de documents auprès des banquiers et la convocation de l'avocat zurichois qui administrait ladite fondation n'ont pu qu'inciter Mme Belaid à prendre les devants.

Dans sa déposition, elle établit un lien formel entre son divorce, prononcé en juin 1992, et les 18 millions de francs virés à Zurich « en trois versements, entre février et avril 1996 ». Elle explique ce décalage dans le temps par les difficultés éprouvées à obtenir le paiement qui lui avait été promis, au nom de M. Le Floch-Prigent, par l'ami et partenaire en affaires de ce dernier, Maurice Bidermann. Ainsi les aveux de Fatima Belaid replongent-ils aux sources de l'affaire Elf, dont le véritable départ fut la mise au jour d'avantages financiers consentis par M. Bidermann à l'ancienne épouse du PDG d'Elf, à l'époque où le groupe pétrolier investissait pour aider au redressement du groupe Bidermann.

Ironisant sur « ces nouvelles vérités prétendument spontanées », l'un des défenseurs de M. Le Floch-Prigent, Me Olivier Metzner, a déclaré au Monde qu'il « [s]'étonnait qu'après avoir accepté un divorce sans compensation financière, Mme Belaid ait obtenu, quatre ans après, une telle somme, d'ailleurs injustifiée ». Les enquêteurs pourraient s'interroger sur la coïncidence entre les versements suisses ordonnés par M. Sirven et la progression des investigations vers Mme Belaid : son domicile avait été perquisitionné le 19 janvier 1996, avant que Mme Joly ordonne sa mise en examen le 26 mars de la même année ; la plus grosse part des 18 millions lui fut versée entre ces dates. Voulait-on acheter son silence ? La chronologie pourrait le donner à penser, mais aucune question ne lui a, pour l'heure, été posée sur ce point.

DES MENACES RÉPÉTÉES

Indiquant avoir été « inquiétée » par la perquisition conduite chez elle, puis « terrorisée » par une série de menaces qu'elle attribue à plusieurs protagonistes de l'affaire - dont M. Sirven et « une haute personnalité africaine » -, Mme Belaid a livré quelques explications sur l'appartement mis à sa disposition à Londres par M. Bidermann en 1992 et qui avait été, lui aussi, à l'origine de ses tracas judiciaires. Acquis par M. Bidermann au prix de 3,2 millions de francs, cet appartement était officiellement détenu par une société de droit britannique dont les titres avaient été remis à Fatima Belaid. Cette dernière a expliqué qu'il s'agissait d'une sorte de « garantie » sur le versement attendu après son divorce. Les titres auraient été restitués à l'avocat Claude Richard, alors défenseur de M. Bidermann.

Pour justifier l'importance de ces « compensations », l'ex-femme du PDG d'Elf assure que ce dernier lui paraissait « immensément riche », tout en admettant qu'il vivait « chichement ». Mais elle certifie aussi n'avoir « rien reçu jusqu'en 1994 », alors que l'enquête a déjà établi que M. Bidermann lui avait fait verser des mensualités de 30 000 francs pendant plus d'un an, ainsi que d'importants virements en 1992 et - de son propre aveu - des sommes en espèces.

Devenue témoin à charge contre son ancien mari, Mme Belaid a enfin déclaré l'avoir vu « acheter pour lui », en 1990, un appartement, rue de la Faisanderie, à Paris. Plusieurs documents découverts par les enquêteurs il y a trois ans présentaient l'épouse du président gabonais Omar Bongo comme l'acquéreur de ce bien. A Genève, l'enquête du juge Perraudin a établi que les 45 millions de francs de cette transaction ont été extraits de l'un des comptes suisses de M. Sirven, intitulé « Mineral ». Mardi 20 avril 1999


L'AFRIQUE "PAUVRE" ENRICHIT LA FRANCE. (LA LETTRE DU CONTINENT n°326 du 01/04/99).

Vive le pré carré ! L'excédent commercial de la France en Afrique a encore bondi l'année dernière: 26 milliards FF contre 14 en 1997. Et les plus pauvres, ceux à qui on vend beaucoup en leur achetant peu, ont bien "aidé": le Mali et le Bénin (1,1 milliard FF d'excédent français dans chacun de ces pays), le Burkina (1 milliard), le Sénégal (2,1 milliards)… Le plus gros excédent français reste le Liberia (3,8 milliards FF). Mais là, c'est surtout un excédent "de complaisance"…


PRES DE 130 MILLIARDS F CFA DE CHIFFRE D'AFFAIRES POUR LE PMU EN AFRIQUE ! (LA LETTRE DU CONTINENT n°326 du 01/04/99).

Le Vème Grand prix de l'amitié France/Afrique se déroulera les 7 et 8 mai à l'hippodrome de Vincennes. Les PMU (Paris mutuels urbains) explosent littéralement en Afrique, avec près de 130 milliards F CFA de paris sur les chevaux des hippodromes français. Même en plein conflit, la Cogelo au Congo-B a réalisé 7,3 milliards F CFA sur le seul PMU en 1998, soit près d'un mois de salaires des fonctionnaires ! Mais dans le tiercé des chiffres d'affaires du PMU, c'est la Côte d'Ivoire qui est arrivée en tête l'année dernière avec 26,4 milliards F CFA, devant le Cameroun (23,6 milliards), le Sénégal (22,6 milliards), le Mali (15,3 milliards), le Burkina Faso (9,8 milliards) et le Niger (6,4 milliards)... Les montants reversés aux parieurs varient terriblement d'un pays à l'autre (70% au Burkina, 52% au Congo, 62% en Côte d'Ivoire, 54% en Guinée...), de même que la "ponction" de l'Etat et les retombées sociales.


CRIMINALITE POLITIQUE
(LA LETTRE DU CONTINENT n°323 du 18/02/99)

Intervenant "à titre personnel" et n'engageant pas, selon la formule consacrée, "son administration d'origine", Eric Danon, sous-directeur de la sécurité au ministère des Affaires étrangères et prochainement nouveau directeur de cabinet du ministre Charles Josselin (voir Who's Who, LC N°322), a récemment expliqué devant les stagiaires du CHEAM (Centre des Hautes études sur l'Afrique et l'Asie Modernes) que "la criminalisation, contrairement à la perception qu'on en a en Occident, n'apparaît pas scandaleuse aux yeux des Africains: elle se nourrit de codes moraux et politiques (ceux, en particulier, de l'ethnicité), et de représentations culturelles (celles, notamment, de l'invisible et de la ruse comme qualités sociales) dont la capacité de légitimation peut s'avérer redoutable".

Cependant, cette violence criminelle "se traduit de façon manifeste, notamment par une extension et une banalisation de la criminalité politique, ainsi que par le dédoublement de systèmes sociaux entre un "pays légal" et le "pays réel". Aussi, selon le diplomate, " l'Afrique est reliée au reste du monde par une toile complexe de relations marchandes informelles, souvent frauduleuses, qui ont généralement une forte connotation ethnique, confrérique ou "communaliste". Et, contrairement à ce qui se passe dans le reste du monde, les énormes profits des trafics ne sont pas réinvestis en Afrique. (...)".

Pour Eric Danon, la criminalisation en Afrique menace la France et l'Europe en devenant une plaque tournante majeure pour le trafic des drogues et un nouveau havre pour l'argent sale. Selon lui, "différents marchés de matières premières ou secteurs de l'économie peuvent de la sorte permettre de convertir en toute quiétude de l'argent liquide d'origine douteuse en actifs licites: les hôtels (Sénégal, Côte d'Ivoire, Guinée équatoriale), les casinos (Gabon, Cameroun, Côte d'Ivoire), le PMU et la loterie (différents pays de la zone franc), les pêcheries (Guinée), les bureaux de change (Nigeria), les banques commerciales (Nigeria, Liberia, Bénin) et le commerce d'import-export avec recours systématique au dumping (Nigeria) remplissent cette fonction quasiment de notoriété publique (...). L'image de la zone, comme celle de la France en Afrique, a souffert de ces pratique au cours de ces dernières années", conclut le futur dircab de Josselin.


PARIS DECROCHE
(LA LETTRE DU CONTINENT n°322 du 04/02/99).

Entre le premier ministreLionel Jospin, dont la tendance est plutôt "Out of Africa", et le président Jacques Chirac, encore "en famille" avec quelques chefs d'Etats africains (Omar Bongo, Abdou Diouf, Henri Konan Bédié, Denis Sassou Nguesso), la politique africaine de la France est en train de se diluer dans la politique étrangère comme un cachet effervescent dans un verre d'eau. Et c'est le premier ministre qui a la clé de la pharmacie... Ce n'est pas la brève conférence de presse donnée le 28 janvier à l'occasion du premier CICID (Comité interministériel de la coopération internationale et du développement), par un Lionel Jospin pressé de recevoir une délégation de la CFDT conduite par Nicole Notat, qui pourrait donner le change. France d'abord...

L'absorption-fusion du ministère de la Coopération par le Quai d'Orsay est maintenant opérée. Désormais, toutes les anciennes structures de la Coopération ont été intégrées dans l'organigramme du Quai d'Orsay (LC N°321). En substance, le premier CICID a défini deux zones: celle des "amis pauvres" qui seront inscrits dans la ZSP (zone de solidarité prioritaire), avec une aide gratuite ou "concessionnelle", et les "amis riches" de la ZPE (zone de partenariat économique), qui émargeront au Trésor avec des prêts à taux plus forts. Les deux listes seront "sélectives" et "évolutives". Bref, elles relèveront toutes deux d'une nouvelle "diplomatie économique" d'influence qui marquera l'abandon de toutes les anciennes politiques traditionnelles. Comme ses pétroliers, la France va apprendre à travailler "offshore" en Afrique (LC N°320).

Pour Lionel Jospin, cette nouvelle diplomatie doit passer - pour l'Afrique comme pour le reste du monde - de plus en plus par l'Europe. D'où l'augmentation de la quote-part française au FED (Fonds européen de développement): 24,3% alors qu'elle est au total de 17,8% au sein de l'Union européenne. Sous la bannière étoilée de l'UE, Hubert Védrine et son homologue britannique Robin Cook se rendront ainsi bras dessus bras dessous en Côte d'Ivoire et au Ghana au mois d'avril, le drapeau de Fachoda dans la poche. Pour 1999, il ne restera donc plus que 27,2 milliards FF d'aide bilatérale (sur 47 milliards FF), et même moins en comptant plus de 17% d'allégements de dettes dans le total, ce qui n'est pas du cash ! Au terme de la réforme de la Coopération, chacun des deux "Quais" (d'Orsay et de Bercy) géreront 40% de cette aide bilatérale. Avec à leur tête leurs "hérauts" respectifs, Hubert Védrine et Dominique Strauss-Kahn, les administrations de ces deux ministères se sont fortement frottées lors de ce premier CICID d'orientation. Pour renforcer ses pouvoirs sur le maximum de pays, le Quai d'Orsay a plaidé pour une zone de solidarité prioritaire élargie alors que le Trésor était favorable à une ZSP "concentrée et sélective" pour garder sous son contrôle la cagnotte et les orientations politico-économiques. Sur le plan politique, la priorité de la France en Afrique sera l'évacuation rapide de ses "compatriotes" à la moindre secousse.

La politique africaine du gouvernement résumée par la formule de Lionel Jospin - "non indifférence et non ingérence" - se limitera à un soutien logistique d'organismes régionaux comme, depuis la semaine dernière, de troupes africaines en Guinée Bissau, sous couverture de la CEDEAO. Pour le reste, les responsables Afrique du Quai et de l'Elysée s'emploient à "anticiper" sur les crises dans des pays où des intérêts et des résidents français pourraient être menacés. Ainsi, dès que des Mirage français ont pu photographier six MIG 29 sur la piste d'Asmara en Erythrée - qui pourraient faire des dégâts à Djibouti, allié de l'Ethiopie -, plusieurs missions françaises se sont déplacées dans la région. Cette semaine, c'est surtout Pointe-Noire au Congo-B - sous la menace d'un coup de boomerang du conflit angolais (après Soyo, l'Unita pourrait vouloir s'offrir le Cabinda) - que les responsables français observent la situation, le doigt sur le bouton de l'alerte d'évacuation des familles… (voir également "Voyages africains", page 7).